Auteur : Giulio Ricciarelli a commencé sa carrière en 1994 comme acteur. A partir de 2004 il réalise des courts métrages, quatre au total. Le labyrinthe du silence est son premier long métrage.
Résumé : Allemagne 1958. Beaucoup d’anciens nazis ont été réintégrés dans l’administration allemande. Malgré la réticence de sa hiérarchie, mais avec l’assentiment du procureur général Fritz Bauer, un jeune procureur décide d’enquêter et de faire juger des anciens SS du camp d’Auschwitz. Le procès s’ouvrira enfin en décembre 1963.
Analyse : Si vous allez voir ce film en espérant y trouver de grandes qualités cinématographiques, une réalisation originale et inventive, alors abstenez-vous. La critique dans son ensemble a souligné le classicisme, la sagesse de la mise en scène qui effectivement n’a rien d’original et est très académique. Mais il faut voir ce film et pour plusieurs raisons.
D’abord, parce que Ricciarelli a bâti une fiction à partir d’évènements historiques relativement peu connus, qu’il n’est pas inutile de rappeler. Le rôle du jeune magistrat, Radmann, très subtilement interprété par Alexander Felhing, rassemble ce qu’en 1958 trois magistrats ont, par leur travail acharné réussi à provoquer : le premier procès en Allemagne contre d’anciens nazis. La hiérarchie était très opposée à cette recherche car après la guerre la chape du silence est tombée sur ce génocide, tant du côté des bourreaux que du côté des victimes. Treize après la guerre les jeunes générations (ce sera le cas du jeune procureur) ne savaient pas ce qu’était Auschwitz … ce que l’on a du mal à croire aujourd’hui. Dans un but de pardon, de réconciliation et de paix sociale, le Chancelier Adenauer voulait tirer un trait sur ces atrocités en intégrant les anciens nazis dans la société allemande. Ce qui est le point de départ de l’enquête de Radmann lorsqu’un journaliste lui révèle qu’il a reconnu dans un instituteur l’un des commandants du camp d’Auschwitz. Ce film présente donc un intérêt historique incontestable. Il est une leçon d’histoire, bien écrite, didactique et pédagogique avec les ingrédients d’un thriller qui le rendent parfois palpitant.
De plus ce film pose des questions philosophiques importantes. Un État peut-il se bâtir durablement sur un mensonge par omission ? Des être humains, qui ont vécu tant d’horreurs peuvent-ils vivre longtemps en occultant leurs souffrances ? Le reflex des rescapés des camps a été de se taire à leur retour. Mais peut-on rester longtemps sans parler, sans partager ? Les auditions des victimes, particulièrement émouvantes dans leur sobriété, montrent bien l’hésitation de certaines à raconter l’indicible.
Où est la frontière entre le devoir d’obéissance et le refus ? Les anciens bourreaux se sont tous retranchés derrière le devoir. Combien de fois n’a-t-on entendu : « je ne faisais qu’obéir aux ordres !», et le film le rappelle très bien.
Au cours de ses investigations Radmann découvre que le père de sa fiancée était aussi un ancien nazi, que son propre père était inscrit au parti, que le journaliste dénonciateur était membre des jeunesses hitlériennes. Le mal ne prend pas nécessairement la forme d’un monstre sanguinaire visible et indentifiable. Il peut être le fait d’un monsieur tout le monde, être banal, zélé, servile à l’égard de l’autorité ce qui lui permet de ne pas penser par lui-même. Ce concept de la banalité du mal qu’Hannah Arendt avait élaboré lors du procès Eichmann et qui lui a valu tant de critiques, parcourt tout le film.
Ricciarelli ne s’est pas attardé à la reconstitution des camps nazis. Il pratique beaucoup l’ellipse, y compris pour le procès qu’on ne voit pas, ce qui donne à son film force et efficacité. Un film indispensable, captivant et très émouvant.