Auteur : Cinéaste de Corée du Sud, Hong Sang-soo, 55 ans, a réalisé pas moins de 19 films de 1996 à 2015, soit presque un film par an. Ce réalisateur prolixe a fait des études aux Etats-Unis et en France. Il est un habitué des prix, que ce soit à Cannes où il obtient le Prix Un certain Regard pour HA HA HA en 2010, ou à Locarno où il obtient le Prix de la mise en scène en 2013 pour Sunhi, et le Léopard d’or en 2015 pour Un jour avec, un jour sans. Il n’a pas moins de 70 nominations dans les festivals européens. Ses thèmes de prédilection sont les relations de couple conflictuelles, le malaise existentiel des jeunes Coréens, l’alcool, le sexe, le plus souvent incarnés dans des réalisateurs et leurs diverses rencontres avec des jeunes.
Résumé : Ham Cheon-soo, réalisateur, doit présenter son dernier film dans la ville de Suwon, où il arrive un jour plus tôt. Il rencontre dans un temple une jeune artiste avec laquelle il passera une partie de la journée et de la soirée. Le film est répété une deuxième fois avec quelques variantes qui donnent à l’histoire une tonalité différente du premier récit.
Analyse : Quel enchantement que ce dernier film de Hong Sang-soo ! Certes les détracteurs du cinéaste diront qu’il fait toujours le même film. On y retrouve en effet ses thèmes favoris : un réalisateur qui rencontre des jeunes, englué dans ses affaires sentimentales, où les protagonistes boivent beaucoup de soju, les mêmes cafés, les mêmes scènes de soûlographie. Et un même thème qu’il chérit également, la naissance de l’amour. Et pourtant non. Car le réalisateur creuse son sillon à l’infini tout en finesse et de manière de plus en plus épurée avec un minimalisme qui n’est pas sans rappeler Éric Rohmer. A partir de trois fois rien le cinéaste nous offre une véritable pépite qui se conjugue comme un charmant marivaudage, les jeux de l’amour et du hasard. Le jeu du hasard se manifeste de manière originale : deux films à peu près identiques mais dont l’un semble être le brouillon de l’autre. Le titre anglais est à cet égard beaucoup plus significatif : Right Now Wrong Then. C’est donc plus juste maintenant qu’avant. Parce que le film ré-embobiné présente de petites différences avec le premier qui bouleversent toute l’histoire et lui donne une autre fin, plus humaine, plus vraie, plus plaisante, plus nostalgique. N’avons-nous pas tous imaginé qu’un jour, si un petit détail s’était présenté différemment « la face du monde » en aurait été changée. Ce changement se manifeste dans trois scènes essentiellement : la première est celle de la visite de Cheon-soo dans l’atelier de Heejeong. Le changement de la couleur de la palette qui passe du rose au vert fait écho au changement de ton de leur conversation où Cheon-soo passe d’un discours flatteur et encourageant à une critique sévère qui irrite la jeune peintre. La seconde est celle de leur conversation dans le café où Cheon-soo est plus émouvant, plus sincère (in soju veritas !) et le déroulé de la soirée chez les amis de Heejeong, épisode burlesque, où il montre toutes ses faiblesses. La troisième est la projection du film le lendemain d’où Cheon-soo sort rasséréné acceptant davantage sa célébrité avec modestie, ce qui était incompatible avec le personnage un peu arrogant et désabusé qu’il était dans le premier film. Certes la fin demeure la même : un double échec. Toutefois la seconde est dénuée de l’amertume de la frustration, mais prend un tour de douceur et de tendresse, nimbées dans la pureté de la neige qui tombe.
C’est donc avec une magistrale maestria, pleine d’intelligence, de sensibilité, de subtilité et de finesse, et de drôlerie aussi, qu’Hong Sang-soo nous offre ces deux films, dont la transition se fait par l’image de cet arbre dépouillé de ses feuilles, nous sommes en plein hiver, épuré comme le film, surtout dans sa deuxième version, débarrassé de scènes inutiles de la première, comme la promenade avec une jeune fille de l’hôtel et ce moment passé dans une patinoire de la ville. Le film est porté par une interprétation magistrale que ce soit celle de Jeong Jae-yeong (prix du meilleur acteur à Locarno), irrésistible dans ses scènes de séducteur aviné, ou de Kim Min-Hee, toute en finesse et en retenue.