Auteur : Phan Dang Di est un jeune réalisateur vietnamien. Mékong stories est son second long métrage, présenté à la Berlinale de 2015. Son précédent film : Bi, n’aie pas peur (2010) a été salué par la critique internationale, présenté dans plusieurs festival, et a obtenu divers prix, au festival d’Angers, à la Semaine internationale de la critique (prix ACID, prix SACD).
Résumé : Viet Nam, début des années 2000. Vu, qui vient de la province de Tien Giang sur le delta du Mékong est passionné de photographie et s’installe à Hô-Chi-Minh-Ville. Il loue une chambre dans une maison au bord du fleuve avec Thang, barman dans une discothèque, qui vit de petits trafics, et Chuong, chanteur des rues. Vu est attiré par Thang qui lui fait découvrir le monde de la nuit et Van, danseuse dans la discothèque et qui aspire à une carrière de ballerine classique. Tout ce monde vit, survit, dans une société en pleine mutation économique et sociale.
Analyse : Il n’est pas facile d’écrire sur un film fait d’émotions, de sensualité, de désirs à fleur de peau, de fluidité (l’eau du Mékong, la torpeur de la mangrove, les corps qui s’aiment englués dans la vase du fleuve, l’atmosphère suante et collante). C’est dire que ce film est sensation, vibration, réalisme et poésie tout à la fois, avec des plans d’une grande beauté (la scène d’amour dans la vase est époustouflante) sans qu’il soit nécessaire de chercher à comprendre certains d’entre eux.
Il se dégage de ce film à la fois un malaise et un ravissement.
Un malaise car Phan Dang Di filme la jeunesse de Saigon dans les années 2000, après la levée de l’embargo américain sur le Viet Nam, très déstabilisante pour le pays. Jeunesse aux prise avec une modernité débridée, complètement déboussolée, qui s’engage dans la vie comme s’il n’y avait pas de lendemain, ou un lendemain dont on ne voit pas très bien ce qu’il pourrait être. Les réunions où l’on boit, où l’on fume des substances censées vous donner accès à des paradis artificiels, où l’on danse jusqu’au vertige, bref une jeunesse qui se cherche en utilisant le meilleur mais surtout le pire. A travers le destin de ces jeunes le réalisateur nous montre toute la difficulté à trouver sa place dans cette société déstructurée, frappée par le capitalisme débridé, par la crise économique et par la surpopulation. La boue, si présente, est bien le symbole de cette société vietnamienne.
Malaise aussi lorsque Phang Dang Di met en avant la politique de limitation des fécondités mise en place à la fin des années 80. L’État propose de rétribuer les pères de famille qui acceptent une opération de vasectomie. Ces jeunes n’hésitent pas à prendre une décision grave qui engagera tout leur avenir en faisant établir de faux certificats de parentalité pour obtenir cet argent qui servira qui à s’acheter une guitare, qui un téléphone portable pour son amie.
Un ravissement car la caméra nous entraîne en nous faisant glisser, avec douceur mais aussi violence dans un monde d’une beauté fascinante et attachante ; on ressent la moiteur du climat, les piqures de moustiques le long de ce Mékong source de vie et vibrant de vie. Par des images particulièrement soignées le réalisateur nous entraine dans cette beauté lente et lascive du fleuve, dans la mangrove aux racines comme des piliers de cathédrale, dans l’ambiance hallucinogène des discothèques. On pense à Marguerite Duras bien sur, mais aussi à l’influence du cinéma de Tsaï Ming-Liang son maître, ou de Wong Kar-wai.
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