AVIGNON 17 juillet

Ivo van Hove, Les Damnés

Ivo van Hove est né en Belgique en 1958. Après ses débuts en Belgique, il dirige une compagnie aux Pays-Bas où ses mises en scènes sont particulièrement remarquées. De 1998 à 2004 il dirige le Holland Festival. Il est depuis 2001 le directeur du Toneelgroep Amsterdam, considéré comme l’une des compagnies théâtrales les plus inventives d’Europe. Il a présenté Tragédies romaines au festival d’Avignon en 2008 et en 2014 The Fountainhead. Il met en scène aussi bien des auteurs classiques (Molière, Shakespeare…) que contemporains (Koltès, Duras, Camus ou Ibsen). Toujours de manière engagée, subversive, n’hésitant pas à aborder des sujets dangereux, sans pour autant prendre de positions morales, mais pour faire « l’expérience de nos peurs les plus profondes et de nos espoirs les plus chers ».

Avec les comédiens de la Comédie française qui revient en Avignon après 23 ans d’absence, Ivo Han Hove a repris le scénario du film Les Damnés de Visconti. Le propos est rude : La famille Essenbeck (la famille Krupp ?), maître de la sidérurgie, protège ses intérêts en s’alliant au régime nazi. Le vieux baron Joachim (superbe Didier Sandre), est assassiné car trop réticent à cette alliance. Intrigues, assassinats, trahisons, manipulations, perversité, jalonnent cette histoire pour la désignation du nouveau maître. Rituel de célébration du mal, noces de sang entre capitalisme et nazisme, débauche débridée et vulgaire, dont la brutalité fait écho à celle du régime en place.

La mise en scène d’Ivo van Hove est aussi violente que le propos. Accord de musique sec et tonitruant tandis que la cour s’illumine brutalement de projecteurs à la lumière crue chaque fois qu’une étape dramatique de la pièce est franchie. L’atmosphère est rendue effrayante comme le propos, par des phrases aboyées, par l’utilisation de l’Allemand hurlé, par des chants nazis de triste mémoire, par des rituels de mort bien orchestrés.

Le metteur en scène et son scénographe (Jan Versweyveld) ont tiré le meilleur parti de l’espace mythique de la Cour d’honneur du Palais des papes. Le mur de la cour est à nu. Au sol un grand rectangle orange qui virera parfois au rouge. À gauche de la scène les acteurs se préparent, s’habillent sous la lumière d’une caméra qui projette sur un écran en fond de scène tout ce qui est filmé ; ce procédé sera utilisé tout au long du spectacle où le visage des protagonistes, constamment suivi par la caméra, est projeté sur l’écran. À droite de la scène, sur une estrade, une série de cercueils dans lesquels entreront tour à tour les suppliciés, filmés dans leur agonie. Spectacle grandiose, glaçant, porté par le jeu brillantissime des acteurs du Français, tous magnifiques, sans exception (Didier Sandre, Denis Podalydès, Guillaume Gallienne, Elsa Lepoivre, Adeline d’Hermy, Christophe Montenez, pour ne citer qu’eux). Après quelques secondes de silence tétanisé la cour a explosé en applaudissements nourris, ovation tellement méritée.

Le spectacle va être repris au programme de la prochaine saison de la Comédie française. Ne le ratez pas !

Comme vous pouvez le constater j’ai du retard dans mes commentaires. Le festival se termine aujourd’hui et j’ai vu six autres pièces. Que je vais commenter bien sur ! Mais d’une part, j’ai un Internet qui, comme les comédiens, est intermittent, et d’autre part il souffle comme un vent de vacances sur le blog !

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