Aurélien Bory, Espaece
Aurélien Bory a plus d’une corde à son arc et cela transparaît dans ses réalisations. Né à Colmar en 1972 il commence des études scientifiques puis s’intéresse à l’art du cirque à Toulouse. Il se forme ensuite comme acteur, se produisant au sein d’une troupe. En 2000 il fonde la compagnie 111 dans laquelle il développe un théâtre à la croisée de nombreuses disciplines (théâtre, cirque, danse, musique, arts visuels). En 2015 sa compagnie s’installe au Théâtre de la Digue à Toulouse. Il a une carrière internationale, ses spectacles étant représentés dans le monde entier. Ses pièces les plus connues sont Plan B (2003), Plus ou moins l’infini (2005), Plexus (2012) ou Azimut (2013). Il s’intéresse à la danse en mettant en scène le chorégraphe Pierre Rigal et crée des portraits de femme, Questcequetudeviens ? pour la danseuse de flamenco Stéphanie Fuster, et Plexus pour la danseuse japonaise Kaori Ito. Il met également en scène des opéras, Le Château de Barbe-Bleue de Béla Bartok et Le prisonnier de Luigi Dallapiccola.
Bory a beaucoup lu Georges Perec. Il est parti de la phrase de l’auteur « Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner » tirée de Espèces d’espaces, pour monter son spectacle. Comment tirer un spectacle d’un livre qui est à la fois poème, essai, autobiographie ? Bory y arrive excellemment en mêlant acrobates, contorsionnistes, chanteurs, dans une scène dépouillée où le mur de scène se plie et se déplie comme les pages d’un livre. Aucun mot n’est prononcé. Des barres parallèles descendent. Les danseurs s’en emparent et les animent dans un mouvement de balancier avec leur corps. Glissements, frôlements, dérapages, contorsions, rien ne cogne, fidèles à la phrase de Perec. On les trouvera plus tard accrochés en haut du mur ou comme suspendus dans les airs. L’élaboration formelle est parfaite et tout semble réglé comme le mouvement d’une horloge. Incontestablement Bory a su nous donner un spectacle très fidèle à l’esprit de Pérec. « Je n’ai pas cherché à adapter ce texte, mais à trouver des points de jonction, des coïncidences avec l’œuvre de Perec » nous dit-il. C’est effectivement une invitation au voyage en compagnie de Perec.
Marie Chouinard, Soft virtuosity, still humid, on the edge.
Marie Chouinard, chorégraphe canadienne, a longtemps dansé en solo. Installée aujourd’hui dans son propre espace à Montréal, elle a signé près de trente pièces, représentées dans le monde entier. Sa recherche, qu’elle définit elle-même comme « un point de fuite vers l’innommable », revêt des formes aussi variées que le dessin, la poésie, la photographie, le cinéma ou l’utilisation des nouvelles technologies visuelles.
Le plateau est totalement vide. Il sera parcouru par des danseurs en marche. Marche claudiquante, déformée, de travers, avec des pieds qui boitent . Vers où vont-ils ? vers leur salut ? vers leur perte ? puis les corps se mêlent lentement, en masse avec des figures grimaçantes, soit de grande souffrance, soit d’effroi, soit d’horreur, soit d’étonnement, rarement épanouies. Ces moments, lents très lents, mettent un peu mal à l’aise. Pourquoi tant de souffrance ? Les moments dansés ou les duos femmes-femmes ou hommes-hommes sur un podium qui tourne lentement sont magnifiques de sensualité bien qu’ils soient eux-aussi grimaçants. Mais on reste une peu sur son étonnement et l’impression d’un spectacle a minima.
Raoul collectif, Rumeur et petits jours.
Romain David, Jérôme de Falloise, David Murgia, Benoît Piret et Jean-Baptiste Szézot ont fait leur études ensemble à l’École supérieure d’acteurs du Conservatoire de Liège. Ils se rassemblent autour d’un projet de fin d’année, Voyage d’hiver (2008) qui est présenté dans divers festivals et finalement au Théâtre national de Bruxelles. Ils décident alors de prolonger l’aventure et montent ensemble Le signal du promeneur prix du public et du jury au Festival Impatience 2012. Rumeur et petits jours est leur seconde création.
La surprise du festival « In » : on rit franchement et même à gorge déployée dans ce spectacle déjanté, burlesque, plein de fantaisie et de facéties, où souffle l’esprit dada, de cinq jeunes en folie. « Antenne dans trois minutes », une émission de radio va commencer, les chroniqueurs d’Epigraphe s’installent, décontractés, clope au bec. La petite lumière rouge s’allume, le générique est lancé puis le thème de l’émission « Faute de soleil, sache mûrir dans la glace ». D’une voix grave le présentateur annonce que cette 347ème émission sera la dernière car la direction vient de leur annoncer sa suppression (tiens tiens ! ça ne vous dit rien ?). On peut le comprendre en voyant l’émission en direct ! S’en suit une longue diatribe sur le libéralisme, le capitalisme, on se croirait revenus en mai 68. Puis l’un deux se déguise en TINA, émule sexy de Margaret Thatcher et de sa phrase choc (There is No Alternative), satire féroce de la pensée unique. Le délire est à son comble lorsque Jacques nous propose de regarder des diapos (dans une émission de radio …) sur des espèces en voie de disparition, ou lorsque Jules commente abondamment la lettre d’une auditrice poétesse., mise en pièce des idées toutes faites ou reçues Le burlesque, le sarcasme, l’excentricité sont au rendez-vous. C’est totalement surréaliste et après certains spectacles tellement sérieux, c’est une bouffée d’air frais qui fait du bien.