TONI ERDMANN

Auteur : Maren Ade, née en 1976, est une réalisatrice scénariste et productrice allemande. Elle a étudié à l’École de cinéma de Munich où elle a réalisé et produit son film de fin d’études Der Wald vor lauter Bäumen (2003), primé entre autres au festival de Sundance. Son second film Everyone Else (2009) a remporté un ours d’argent au festival de Berlin ainsi que l’ours d’argent de la meilleure actrice pour Birgit Minichmayr. Elle a créé une maison de production et produit de nombreux autres films avant de réaliser Toni Erdmann, présenté dans la sélection officielle du festival de Cannes 2016 où il a reçu le Prix FIPRESCI de la critique internationale.

Résumé : Ines, incarnée par la remarquable Sandra Hüller, travaille à Bucarest pour une société allemande au département qui s’occupe en particulier de « l’externalisation », c’est à dire d’implanter des unités de production dans des pays au coût de main d’œuvre moins élevé. Elle est très impliquée dans son travail qu’elle accomplit avec détermination et sérieux, sans état d’âme. Son père débarque chez elle à l’improviste. Il va l’aider, malgré elle, à retrouver un sens à sa vie, par des procédés très étonnants.

Analyse : Maren Ade a réalisé une comédie d’une grande bouffonnerie, au comique irrésistible, même si elle fait intervenir des blagues aussi enfantines que le coussin péteur ou le faux dentier. Le public cannois a rit de bon cœur, a applaudit au milieu du film et lui a réservé une « standing ovation », ce qui mérite d’être souligné. Le secret de cette réussite est multiple. D’abord parce que ce père qui fait le bouffon, magnifiquement incarné par Peter Simonischek, n’est jamais ridicule avec ses blagues pataudes, mais d’une tendresse à fleur de peau qui ferrait fondre plus d’une fille en mal de père. Ensuite parce que ce film traite, avec une drôlerie jubilatoire sur un fond de tristesse, des sujets sérieux comme le sens que l’on donne à sa vie lorsque le travail prend le pas sur tout le reste, le rôle que l’on a en participant à des délocalisations pour le plus grand profit d’entreprises multinationales mais au détriment de milliers de salariés, les rapports père-fille. Tout le sens du film se noue lorsque à la question de son père « es-tu heureuse ? » Ines réalise qu’elle est incapable d’y répondre.

Certes le film ne résout rien, et c’est tant mieux. Dans une ultime scène, lorsque le père redevient sérieux, qu’il redevient Winfried et se dépouille de son nom d’emprunt, Toni Erdmann, il s’éclipse et comme s’il transmettait le relai : « je vais chercher l’appareil », pour une photo qui ne se fera pas. Fin.

Maren Ade a su relever le défi d’un scénario somme toute assez banal, la famille, un sujet vieux comme le monde. Mais l’originalité et l’audace de la réalisation ne peuvent laisser indifférent. Il y a dans ce film une construction rigoureuse et une succession de plans qui ne laisse rien au hasard. On sent la rigueur d’un travail consciencieux et précis. On n’est pas étonnés d’apprendre qu’elle a tourné plus de 1300 heures d’images pour choisir au plus juste, et que certaines scènes ont été tournées une quarantaine de fois. Sans que le rythme du film en soit pour autant affecté.

Mais c’est sans doute là l’origine du petit bémol que je mettrais. Ce bon film serait très bon s’il avait une demie heure de moins. La première partie où il est surtout question du travail d’Ines, aurait gagné à être plus concise et plus claire. Mais cela n’ôte rien au plaisir et aux leçons que l’on peut en tirer.

One Comment

  1. Je soupçonne le coussin péteur du film de diffuser dans les salles un gaz sournoisement euphorisant qui s’empare de l’esprit des spectateurs et le plonge dans un état de béatitude comparable à celui d’un nourrisson comblé. Car comment expliquer autrement la jubilation ressentie par tant de spectateurs — habituellement regardants — devant cette succession de pochades et d’interminables traversées d’ennui. Non, Marie-Jeanne, ce n’est pas une demie heure que ce film a de trop, c’est une heure et demie !

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