TRAVIATA Vous méritez un avenir meilleur

Benjamin Lazar, né en 1977, est un comédien et metteur en scène de théâtre. Il est spécialiste du théâtre baroque. Il a notamment mis en scène Le bourgeois gentilhomme, à la manière du XVIIème, éclairé à la bougie. Il est le fondateur du « Théâtre de l’incrédule ».

Si vous ne l’avez déjà vu à Paris, si vous êtes en province ou en banlieue, ne ratez surtout pas Traviata, Vous méritez un meilleur avenir d’après Verdi. Comment qualifier ce spectacle ? Théâtre, opéra, poésie musicale ? Quelque soit le qualificatif que l’on puisse donner à ce genre de spectacle hybride, c’est magnifique et envoûtant. Dans ce théâtre parisien des Bouffes du Nord, savamment délabré où les spectateurs sont au niveau de la scène et où plane l’ombre de Peter Brook, Benjamin Lazar, metteur en scène, s’est lancé dans un défi particulièrement réussi. La trame est bien celle du roman d’Alexandre Dumas fils qui s’est inspiré de la vie de Marie Duplessis, courtisane dont il fut amoureux, pour écrire la Dame aux camélias, et qui est à l’origine de l’œuvre de Verdi. Mais cette Violetta est ici tellement modernisée qu’elle n’a plus d’âge.

La mise en scène, virtuose, donne au spectacle toute sa force et son charme indéfinissable. A l’ouverture les protagonistes se démêlent dans un immense voile de tulle blanc qui englobe la scène, au son d’une musique qui n’a rien de ‘verdienne’, frappée sur un violoncelle. On est déjà plongés dans l’atmosphère de vies débridées, poussées à l’extrême, où règne l’alcool, la drogue, le rire, la sensualité, l’amour et où Violetta, prisonnière de cette société, dévorée par la passion, se débat contre la maladie et la mort.

La forme théâtrale permet à Benjamin Lazar de s’affranchir des codes de l’opéra. Ce mélange de voies parlées (en Français) et chantées (en Italien) nous rend cette Violetta tellement proche, humaine et vibrante. Elle est de chair et de sang ; elle n’est pas lointaine et inaccessible comme peuvent l’être les chanteurs lyriques. Grâce à cette mise en scène, à ce lieu et au genre du spectacle, elle nous devient familière, comme une connaissance qu’on aime et qu’on souffre de voir s’éteindre à la flamme de son amour, de son sacrifice et de sa maladie.

Cette sensation et le succès de la pièce sont également dus à la magnifique, superbe, immense (les adjectifs me manquent !) Judith Chemla. Elle est l’art total. Elle apprend le piano entre 5 et 7 ans, le violon entre 7 et 14 ans. Après un passage au Théâtre du Soleil pour un stage auprès d’Ariane Mnouchkine, elle intègre le Conservatoire national puis la Comédie française. Mais cette vénérable institution n’est pas pour elle une fin en soi. Elle la quitte (« j’avais besoin de vertiges » dit-elle) pour d’autres projets. Déjà en 2013, aux Bouffes du Nord, elle chantait dans un spectacle assez loufoque Le Crocodile trompeur, adaptation de Didon et Enée et qui fut un grand succès. Elle est belle, fragile, évanescente et dès son apparition, avec ses yeux cernés et son petit corps gracile, elle EST Violetta, la dame aux camélias, malade à en mourir.

La forme théâtrale n’élimine pas pour autant l’opéra. Toutes les voix des cinq chanteurs-acteurs sont magnifiques. En particulier Damien Bigourdan, en Alfredo Germont à la voix ample et puissante, Jérôme Billy, le père Germont, baryton brillant et pianiste, et surtout Violetta avec une incroyable voix de soprano au timbre pur et cristallin.

En revanche, nous nous éloignons de l’opéra par le nombre de musiciens. Pas d’orchestre mais huit musiciens qui sont également chanteurs et qui se mêlent sur scène avec aisance aux personnages. Généralement les chanteurs lyriques ne sont pas toujours bons comédiens. Ce qui fait la grâce de ce spectacle magique c’est qu’ils sont tous pleinement comédiens et chanteurs.

Ayant eu des places avec difficulté j’ai assisté aux dernières représentations parisiennes. Je regrette donc ce commentaire tardif. Mais j’espère vivement que vous aurez l’occasion de le voir.

5 Comments

    1. Ciao Pardo ! Merci pour tes commentaires. Je sais qu’ils seront à Marseille les 6 et 7 décembre au théâtre de La Criée mais je n’ai pas vu Montpellier. À bientôt j’espère

    2. Ciao Pardo ! Merci pour tes commentaires. Je sais que le spectacle passe à Marseille, au Théâtre de la Criée, les 5 et 7 décembre. Mais je n’ai pas vu Montpellier.
      A bientôt me palisir de vous voir tous les deux

  1. Mieux vaut tard que jamais, me voilà enfin, comme promis !
    Abonnée, je suis ravie de te lire, un réel plaisir…
    A bientôt,
    Claudie

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