Auteur : Olivier Babinet est un réalisateur et scénariste français. Il se fait connaître du grand public français par une série télévision, Le Bidule, diffusée en 1999. Après un premier court métrage en 2008, C’est plutôt genre Johnny Walker, qui remporte de nombreux prix, il réalise son premier long métrage, Robert Mitchum est mort, projeté à Cannes en 2010 dans la sélection ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) ; il remporte le Grand Prix du Festival Premiers Plans d’Angers. En parallèle de ses activités de scénariste et de réalisateur, Olivier Babinet travaille avec des collégiens d’Aulnay-sous-Bois, dans un quartier où 50 % des familles vivent en dessous du seuil de pauvreté. Cette collaboration a abouti à la réalisation par ces adolescents de 8 courts-métrages fantastiques et de science-fiction et au tournage d’un clip, par le réalisateur, pour le groupe Tomorow’s World. C’est sur eux qu’il réalise le documentaire Swagger, présenté dans la sélection ACID à Cannes 2016.
Résumé : Les aspirations, les rêves, les fantasmes de onze collégiens de banlieue.
Analyse : Swagger est sorti en mai 2016 mais je n’avais pas eu l’occasion de le voir. Je veux rattraper ce manque en vous présentant maintenant cet excellent film. C’est un documentaire qui nous parle de manière très originale d’adolescents entre 10 et 16 ans de la banlieue, du 9-3, élèves du collège Claude Debussy d’Aulnay-sous-Bois, que le réalisateur a suivis et filmés pendant trois ans. Le regard d’Olivier Babinet est dépourvu de tout cliché, de tout préjugé mais plein de sensibilité, de respect et de tendresse pour ces jeunes qui se disent français mais qui constatent que les « vrais » français ont déserté leur quartier. Aucun d’eux n’est français « de souche ». « Je sais pas ce que c’est, moi, souche » dit Naïla, petite fille au regard si profond, qui veut construire des maisons parce que ceux qui ont construit les tours dans lesquelles ils vivent n’ont pas compris leurs besoins. Ils ne manquent ni d’aisance ni d’assurance ni d’ambition ni d’intelligence. Leur sincérité, leur naïveté sont touchantes et le réalisateur laisse parler leurs rêves en émaillant son documentaire de scènes de science fiction – des escadrons de drones futuristes qui envahissent les tours – d’un défilé de mode où Régis qui veut être styliste, avec son éternel nœud papillon, est acclamé comme une star, ou de ce long plan séquence où Paul, toujours en costume, amoureux de musique, danse dans la rue avec un parapluie rouge, à la manière des Parapluies de Cherbourg. Ces jeunes s’expriment avec beaucoup de verve, de courage et souvent d’émotion contenue quand ils nous parlent d’eux-mêmes, de leurs rêves, de leurs fanfaronnades, parfois de leurs douleurs. Swagger vient d’une citation du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, donnée en fin de film, « What hempen homespuns have we swaggering here So near the cradle of the fairy queen », (Quels sont ces rustiques personnages qui font ici les fanfarons Si près du lit de la reine des fées). Ce n’est donc pas une vision misérabiliste ni de victimes qui nous est présentée. Mais l’image d’adolescents vantards comme tous les adolescents du monde qui ont trop de désirs inassouvis, joyeux, drôles et pleins de fantaisie ; qui parlent d’amour, d’avenir, de guerre, de racisme avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité, de leur passé, souvent douloureux, avec infiniment de pudeur. Le tout avec beaucoup d’aisance, oubliant visiblement la caméra car le réalisateur a passé beaucoup de temps à leur expliquer comment on fait du cinéma. Un cinéma original, qui enchante l’avenir tout en nous montrant les failles de la politique d’intégration à la française à travers les questionnements et les incertitudes de ces jeunes qui ne manquent pourtant pas de courage.