Auteur : Ariane Mnouchkine, née le 3 mars 1939, est metteuse en scène de théâtre et animatrice de la troupe qu’elle a fondée en 1964, le Théâtre du Soleil. Elle est également scénariste et réalisatrice de films. Le Théâtre du Soleil est fondé comme une coopération de travailleurs dans un esprit communautaire. Sa structure collective, une pratique héritée des années 1960, jouit d’une longévité particulière. Quelques-uns des principes régissant le fonctionnement de la compagnie ont marqué les esprits : même salaire pour tous, maquillage en public, soupe servie aux spectateurs, Ariane déchirant elle-même les tickets au contrôle de l’entrée. Ses premiers grands succès sont La Cuisine d’Arnold Wesker (1967), puis 1789 (1970) et L’Âge d’or (1975), des créations collectives. Elle met ensuite en scène des classiques, Molière, Shakespeare (en particulier Richard II -1981-, La nuit des rois -1982- et Henri IV -1984- ), et des auteurs contemporains (Hélène Cixous, Arnold Wesker, etc.), en s’inspirant souvent des traditions orientales (théâtre indien, japonais). Ariane Mnouchkine affirme que le théâtre oriental est le vrai théâtre. Contrairement au théâtre occidental, qui n’a su que créer des formes réalistes, le théâtre oriental l’attire vraiment, c’est ainsi qu’elle s’inspire surtout des formes asiatiques telles que le Kabuki, le Nô et le Bunraku. Elle s’est distinguée par le choix des sujets abordés, donnant souvent à réfléchir sur la condition humaine, et surtout par ses mises en scènes très visuelles (ses fameux décors en mouvement présentant la scène sous différents angles, par exemple), soutenues par une véritable « bande-son », omniprésente, jouée en direct (sur le bord de la scène) par l’homme-orchestre Jean-Jacques Lemêtre, avec lequel elle collabore depuis 1979. Artiste engagée, ses sujets présentent souvent des drames qui bouleversent ou ont bouleversé la planète pour faire du théâtre un moyen d’éclaircir l’histoire de notre temps : l’intégrisme dans Tartuffe, la lâcheté politique dans Tambours sur la Digue. Son théâtre s’inscrit dans les traditions du théâtre de Vilar ou Brecht, un théâtre qui renoue la nécessité du rapport entre théâtre et société.
Analyse : Une grande chambre, quelque part en Inde dans une maison cossue, avec de grandes fenêtres qui laissent passer les bruits de la rue. Une chambre, n’y a-t-il pas lieu plus intime ? Et pourtant c’est le monde entier qui va y défiler avec ses désastres, ses cauchemars, ses rêves et ses espérances.
Un vieux téléphone sonne dans la nuit et empêche Cornélia, metteuse en scène (Ariane Mnouchkine ?) de dormir. Dès qu’elle parvient à se rendormir les cauchemars l’envahissent et se dissipent en même temps que la sonnerie stridente du téléphone la réveille de nouveau. Ces cauchemars qui entrent sur scène représentent les problèmes fondamentaux de notre monde actuel : Daech et l’endoctrinement des jeunes, les attentats, le réchauffement climatique, la pollution de la nappe phréatique, la guerre en Syrie où des acteurs répètent en sous-sol Le roi Lear sous les bombes ; il y a même l’élection de Trump. Cornélia est constamment envahie par le doute, par la peur de ne pas trouver un sujet pour son prochain spectacle, par la place du théâtre (« Si tous les théâtres du monde étaient démolis, à qui manqueraient-ils ? »). Cette accumulation de désastres n’est en rien une énumération aride et désespérante car le génie de Mnouchkine utilise à merveille tous les ressorts théâtraux pour nous enchanter et nous faire rire, un rire décapant comme Shakespeare le recommande. La scène du tournage d’un spot de propagande pour l’EI sur la bande son de Laurence d’Arabie restera dans les annales. De même ces dignitaires d’Arabie Saoudite, patrie des droits de l’homme comme chacun sait, qui demandent des conseils à des scandinaves pour améliorer leur rang mondial en matière de droits de la femme ! Ou ces sept talibans qui négocient âprement le nombre de vierges auquel pourra prétendre le kamikaze qu’ils envoient se faire sauter sur une position américaine. Le rire pour conjurer le désespoir et la peur, le rire comme arme contre la barbarie et la bêtise, hommage discret rendu aux dessinateurs iconoclastes de Charlie Hebdo.
Mais il n’y a pas que la noria des malheurs de notre monde qui s’invite dans cette chambre. Il y aussi les personnages chers à Mnouchkine et qui ont nourri toute son œuvre : Shakespeare, qui apparaît dans les rêves de Cornélia et qui arrive avec son petit mousse, poussés par une tempête (!). La pièce est d’ailleurs truffée de clins d’œil adressés au Maître. On retrouve également le médecin et auteur Anton Tchekhov accompagné des trois sœurs Irina, Macha et Olga (!). Molière n’est pas de la fête, mais cette pièce est toute entière du Molière.
Ce spectacle est plus encore. Il a des scènes éblouissantes de danses du Theru Koothu, théâtre traditionnel tamoul, ancien et populaire, qui reprend les épopées du Mahabharatha et du Ramayana, où sont évoqués la situation de la femme, les mariages forcés, les viols. La musique, jouée en direct par Jean-Jacques Lemêtre, les chants énergiques interprétés par des personnages brillamment vêtus et grimés, sont une merveilleuse échappée dans le rêve.
Enfin, la dernière scène où Charlot, sans sa canne mais avec sa petite moustache, déguisé en Imam, nous rappelle le discours en anglais de Charlot dans Le Dictateur ( « Nous voulons donner le bonheur à notre prochain, pas lui donner le malheur … Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre mais nous l’avons oublié »).
Cet ensemble de saynètes qui rassemble une troupe où se côtoient trente quatre comédiens de vingt-cinq nationalités différentes (dont les acteurs du Théâtre Aftab de Kaboul), avec les piliers du Théâtre du Soleil comme Hélène Cinque, magistrale en Cornélia, ou Maurice Durozier, est un spectacle magnifique, généreux, magique qu’Ariane Mnouchkine nous invite à voir en accueillant son public à l’entrée, comme à son accoutumée. Je vous recommande vivement de le découvrir si ce n’est déjà fait. Je vous ai reproduit la lettre qu’elle a adressée à tous ses fidèles où vous trouverez tous les renseignements pratiques.
Au sortir de ce lieu où j’ai vécu les plus extraordinaires moments de théâtre de ma vie, ayant vu l’essentiel de ses pièces, malgré l’émerveillement d’un spectacle emprunt une fois encore de cette magie que seule Mnouchkine sait insuffler, j’ai été envahie par un grand sentiment de tristesse. J’ai eu l’impression irraisonnée qu’Ariane Soleil, Ariane magique nous livrait son testament ; qu’elle fermait une boucle, commencée par un voyage en Inde il y a quelques décennies, seule, sac à dos, avant de créer le théâtre du Soleil, et clôturée par les attentats de novembre 2015 après lesquels elle est repartie pour se ressourcer et oublier le saisissement de l’horreur. Pourvu que je me trompe !
Paris, le 20 janvier 2017
Chers amis,
Après une première série de 45 représentations du 5 novembre au 31 décembre 2016, nous jouerons
Une chambre en Inde jusqu’au, nous l’espérons, 9 juillet prochain.
- Nous jouons tout d’abord jusqu’au 10 février inclus.
• Ensuite, après une relâche exceptionnelle de trois semaines, nous jouerons, du 3 mars au 21 mai 2017.
• Après quoi, nous prendrons la route pour Le Printemps des Comédiens, à Montpellier, où nous jouerons du 30 mai au 10 juin 2017.
• Puis, nous serons de retour à la Cartoucherie du 16 juin au 9 juillet 2017.
Nous remercions ici encore les dieux du théâtre d’ainsi exaucer nos vœux : votre présence ! Vous êtes 24 327 à être déjà venus nous voir depuis cet automne. Ce dont nous sommes très fiers. En particulier parce que vous savez que, pour tenir le coup, c’est dès le début que nous avons besoin de vous, et que, donc, vous êtes là, dès le début. En particulier aussi pour votre compréhension, votre constance, votre humour et… votre patience au téléphone où nos quatre lignes sont parfois occupées et où – merci !! – vous continuez d’insister car vous savez que nous sommes là, à vous répondre.
Sachez d’ailleurs que vous pouvez déjà réserver vos billets jusqu’au 30 avril (ou 21 mai pour les demandes de groupes et les spectateurs qui ne se situent pas dans le même fuseau horaire). Quant à la location pour le mois de mai ce sera à partir du mercredi 1er février.
Et même si – déjà et encore – circule cette belle rumeur, si narcissiquement satisfaisante, que nous sommes « comme toujours au Théâtre du Soleil plus que complets », il nous reste bel et bien des places, notamment en semaine. Regardez bien le calendrier ci-dessous, il est quotidiennement mis à jour, y compris en fonction des désistements qui parfois nous parviennent à la dernière heure…
Alors à vos téléphones !
Notre location vous ouvre grand ses portes
tous les jours de 11h à 18h au 01 43 74 24 08 (ou, pour les groupes de plus de 10 personnes, au 01 43 74 88 50 du mardi au vendredi de 11h à 18h). Nous avons également mis quelques places – mais quelques places seulement – à la vente en ligne sur le site de la Fnac et celui de Théâtre Online.