Auteur : Kenneth Lonergan né en 1962, est un scénariste, réalisateur et acteur américain. Très tôt il a écrit et monté des pièces de théâtre qui ont eu un certain succès. Il réalise son premier long métrage You Can Count on Me (Tu peux compter sur moi) en 2000 avec Laura Linney et Mark Ruffalo. Remarqué par Martin Scorsese celui-ci l’appelle afin qu’il l’aide à terminer le script de Gangs of New York en 2002. En 2011 il réalise son second long métrage, Margaret, qui est un désastre commercial mais est apprécié des cinéphiles. Par la suite Matt Damon, lui commande un scénario en assurant dans un premier temps qu’il le réalisera lui-même et en tiendra le premier rôle. Mais finalement Matt Demon ne pouvant réaliser ce projet c’est Lonergan qui sera le réalisateur et Casey Affleck l’acteur principal de Manchester by the sea sorti en 2016.
Résumé : Les Chandler sont une famille de pêcheurs du Massachusetts. Après le décès soudain de son frère Joe (Kyle Chandler), Lee (Casey Affleck) est désigné comme le tuteur de son neveu Patrick (Lucas Hedges). Il se retrouve confronté à un passé tragique qui a détruit sa famille, l’a séparé de sa femme Randi (Michelle Williams) et de la ville où il est né et a grandi.
Analyse : Ce film est loin des films américains contemporains. Il nous ramène plutôt vers le cinéma indépendant des années 70-80, intimiste, humain, sensible.
Dans une parfaite osmose entre les images, les couleurs, le rythme, la mise en scène et le récit magnifiquement porté par un comédien fascinant, Kenneth Lonergan nous entraine avec pudeur et intelligence dans une chronique familiale parfois drôle mais qui recèle un drame terrible qui glace le cœur. Au début du film nous sommes dans une atmosphère hivernale, les lumières sont froides, la neige enveloppe Boston et éteint toutes les couleurs. Le décor est planté. Lee Chandler est un homme encore jeune mais qui dès l’abord frappe par son caractère taciturne, peu bavard, que l’on voit accomplir avec détachement ses basses tâches d’homme à tout faire, sans enthousiasme mais sans révolte non plus. Nous sommes entrainés dans un quotidien banal, fait de petites choses qui nous conduiront subtilement vers le propos du film. On ne peut pas ne pas être frappés par la personnalité étrange de Lee qui explose parfois en une violence incontrôlée et qui donne assez vite l’impression qu’il se laisse porter par la vie plus qu’il ne la saisit et que quelque chose est mort en lui. Ce quotidien fait de petits riens est rompu par son départ à Manchester by the sea où il doit se rendre pour l’enterrement de son frère. Le film prend alors un autre rythme. Dans une séquence majeure qui est l’apogée du film, lorsque le notaire apprend à Lee que son frère lui a octroyé la tutelle de son fils mineur de 16 ans, le montage précis, dû au talent de Jennifer Lame, nous mène au cœur du drame terrifiant que cet homme a vécu. Les multiples flash-back, habillement tricotés, cassent les chronologies, mêlent passé et présent et, sur le lancinant Adagio d’Albinoni qu’on croyait avoir trop entendu, nous font revivre l’enchainement de la fatalité qui a laissé à Lee un sentiment de culpabilité qui anéantit sa vie. Puis lentement, avec subtilité le film nous mène vers plus d’apaisement des rapports humains, particulièrement des rapports familiaux.
Le portrait psychologique de cet homme brisé qui n’arrive pas à faire le deuil d’un événement qui l’emprisonne dans la douleur et dans une inaptitude désormais à tout bonheur, est présenté avec finesse, pudeur et intelligence, sans grands effets ni pathos inutiles. C’est un grand film, qui deux heures dix huit durant ne lasse à aucun moment et a l’habileté de ne livrer aucune solution en nous laissant sur une interrogation : que va-t-il advenir de Lee Chandler ?