Auteur : Elite Zexer est une réalisatrice et scénariste israélienne. Elle réalise plusieurs courts-métrages dont Take Note (2008), qui remporte le prix du meilleur film de fiction au festival international du film étudiant de Tel Aviv, et Tasnim, qui a participé à plus de 120 festivals de films à travers le monde et a remporté plusieurs prix internationaux. Son premier long métrage, Tempête de sable, a obtenu le grand prix du jury du cinéma international lors du festival du film de Sundance.
Résumé : Un petit village bédouin en Israël, à la frontière de la Jordanie : Suleiman, déjà marié à Jalila, épouse sa deuxième femme. Alors que Jalila tente de ravaler son humiliation, elle découvre que leur fille aînée, Layla, a une relation avec un jeune homme de l’université où elle étudie. Or son père l’a promise en mariage au fils de leur voisin …
Analyse : Le drame de Roméo et Juliette, la situation intolérable des femmes dans certaines cultures, sont des sujets vieux comme le monde dont le cinéma tant français qu’international s’est abondamment emparé. Pourtant Tempête de sable est un film très réussi qui mérite d’être vu pour plusieurs raisons.
Par une mise en scène juste et minutieuse cette jeune cinéaste israélienne nous montre une tranche de la vie de femmes tiraillées entre tradition et modernité, mais qui finalement se laisseront engloutir par le poids des coutumes immémoriales, pour le respect des autres, pour éviter la zizanie et faire régner l’harmonie. Pourtant dans ce monde encore très proche du Moyen-Âge la modernité est bien là ; Layla apparaît comme une jeune fille assez libre et épanouie sous son voile. Elle va à l’université, est amoureuse d’un camarade qu’elle a choisi, conduit la voiture paternelle, utilise son téléphone portable, a ses révoltes salutaires, tant à l’égard de sa mère que de son père qu’elle sait parfaitement attendrir.
Le récit, tissé comme une tragédie grecque, nous donne l’image de personnages menés par des forces qui les dépassent dans un monde qui semble figé alors que les éléments du changement sont en germe sans arriver toutefois à percer. La force de ce film est que nous croyons jusqu’au bout à la révolte de Layla, que nous l’espérons ardemment, que nous sommes sûres que grâce à elle les choses vont changer, que les femmes vont enfin exister un peu dans ce monde au patriarcat indécrottable, et nous recevons comme un coup de poing rageur sa décision désespérante.
Malgré cette déception qui nous fait penser avec tristesse que la libération des femmes doit, dans certaines régions, attendre d’autres lendemains, les personnages mis en scène par Elite Zexer ont tous un côté attachant, même les plus englués dans leurs carcans sociaux. Une très belle figure, celle de la mère de Layla, Jalila, première femme de Suleiman, forte et puissante, qui est au début d’une rigidité absolue avec sa fille en réaction au second mariage de son mari qu’elle a du mal à admettre, qui a le courage de le défier et qui finalement semble comprendre Layla, réalisant qu’elle est victime, comme toutes les autres. Layla, belle, intelligente au beau regard plein de maturité où perce encore l’enfance mais qui n’aura pas le courage (la force ?) de braver les interdits. Suleiman, si sympathique, qui sera pourtant le plus intraitable, a sa part de lâcheté dans ce monde où l’homme doit montrer qu’il sait s’imposer dans sa famille, mais se révèle plus ambigu qu’il n’y paraît et finalement très humain, digne de commisération. La petite sœur, Tasnim, qui a la situation la plus facile, qui juge les adultes à travers son regard d’enfant, et à laquelle la réalisatrice confie le dernier mot de son film, « Non », qui sonne comme une note d’espoir.
La réalisatrice connaît parfaitement cette région où elle a accompagné sa mère photographe et la filme avec amour, dans des couleurs beiges comme le sable qui entoure le village, ou vives comme celles du mariage ou de ces vêtements accrochés à de multiples cordes à linge qui, symboliquement, forment des barrières entre les êtres qui n’arrivent plus à se retrouver. Une caméra bien maîtrisée, de beaux paysages, de très belles couleurs, un film bien attachant dont on est pas étonné qu’il ait obtenu le Grand Prix du jury du cinéma international lors du festival du film de Sundance.