Auteur : Jonas Carpignano est un réalisateur, scénariste, producteur, italo-américain de 33 ans. Il réalise quelques courts métrages avant d’être découvert en 2015 avec son premier long métrage, Mediterranea. Son second long métrage A Ciambra, qui poursuit la même étude qu’un court métrage de 2014 du même nom, a été présenté à la quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2017 où il a reçu le Prix Label Europa.
Résumé : Le film suit le parcours d’un adolescent rom de 14 an qui, entre combines et arnaques, veut à tout prix être « un grand » aux côtés de son frère et de son père, et qui pour le devenir devra faire des actes qu’il réprouve lui-même.
Analyse : Malgré le propos plutôt noir, il se dégage de ce second long métrage de Jonas Carpignano une énergie, une fougue, une hargne de vivre essentiellement insufflées par son jeune héros, Pio, acteur amateur fétiche du réalisateur. Ce dernier s’intéresse surtout aux exclus, aux marginaux, aux laissés pour compte de la vie qui survivent grâce à des arnaques, à de petits arrangements, et à une recherche quotidienne de l’argent qui manque cruellement. Dans son premier long métrage, Mediterranea, il suit un migrant africain ayant quitté son Burkina Faso natal dans l’espoir de trouver une vie meilleure, depuis sa traversée du Sahara jusqu’à son arrivée en Italie et la misère qui l’y attend. Dans ce film il s’intéresse à la vie d’une communauté de Roms, à Gioa Tauro, petite ville du sud de la Calabre. C’est un peu la continuité de son premier film car on y retrouve Koudous Seihon l’émigré burkinabè, héros de son premier film et Pio Amato qui tient cette fois-ci le premier rôle. La vie de ces Roms est calquée sur leur vraie vie ; d’ailleurs toute la famille de Pio participe au film. Ce n’est pas pour autant un documentaire, mais comme dans ses œuvres précédentes, une approche documentariste qui reste une fiction à laquelle il a mêlé des passages oniriques. Ces Roms vivent dans un ghetto, au milieu de détritus, dans des abris précaires où les gosses sont livrés à eux-mêmes, n’allant pas à l’école mais fumant et jouant aux caïds à 5 ou 6 ans. Malgré ces conditions de vie difficiles, il se dégage de cette communauté une chaleur humaine qui donne au film des moments de grande intensité. La vie est dure mais elle est joyeuse, pleine d’énergie et de vitalité et nous offre des portraits d’une grande humanité. Ce Pio, adolescent de 14 ans qui veut à tout prix être reconnu comme un homme dans cette communauté est très attachant. La caméra à l’épaule, ce qui donne une image certes sautillante mais très vivante, suit cette boule de nerf au visage secret mais terriblement expressif, au regard vif, intelligent, qui sourit très peu, sauf lorsqu’il se retrouve dans la communauté des africains. De rares plans larges, ce qui nous permet de suivre Pio au plus près, des vues essentiellement nocturnes, donnent au film une tonalité particulière qui colle parfaitement au propos. Carpignano ne veut ni caricaturer, encore moins dénoncer, mais témoigner sur cette communauté d’exclus avec un film très prenant qui, paradoxalement, a des côtés solaires. Scorcese ne s’y est pas trompé qui a coproduit ce film.
Nous avons adoré…. nous avons été terrifiés… un vrai film, sans apitoiement, triste et cru.
Non, il n’y a rien de beaux chez les derniers. Ou plutôt tout est beauté, une beauté cruelle et simple et enfantine.
Et tout ça existe bel et bien, sans concession.
Ce n’est pas un beau film; c’est un grand moment de cinéma.
A voir après Brutti sporchi e cattivi, et se dire que, quarante ans après….