Revoilà Jean-Luc Godard à Cannes, mais hors sa présence physique. C’est un véritable feu d’artifice cinématographique qu’il nous offre dans son dernier film Le livre d’image. Du haut de ses 87 ans avec son sens intact de la provocation et de la déstructuration il nous livre ce qui semble être une sorte de testament. Il est très difficile de rendre compte de ce film, fait d’un foisonnement d’images dont certaines ne durent que quelques secondes, comme on tourne les pages d’un livre d’images. Foisonnement de sons également, abrupts ou bégayés, de réflexions dites avec sa voix caverneuse et parfois sciemment inaudible. Ce n’est pas une fiction, il n’y a pas d’histoires mais des extraits de ses films ou de très nombreux autres dont il repeint les plans avec des teintes vives à la manière d’un Nicholas de Staël ou d’un Matisse. Le commentaire est parfois décalé par rapport à l’image pour nous signifier que « les paroles ne sont pas le langage ». C’est un véritable poème audiovisuel qu’il décline en plusieurs mouvements. On aura une variation sur les remake qui sont la constance des guerres et des catastrophes passées et présentes. Puis de longues séquences de défilement de trains avec des images saccadées comme dans les films du muet ; également un chapitre sur l’esprit des lois dans lequel il cite abondamment Montesquieu et lit de nombreux textes philosophiques. Enfin Godard se livre à une réflexion sur le monde arabe, ignoré du reste du monde et dont on ne parle que lorsque les bombes sont posées. « Je suis du côté des bombes » dit-il non sans provocation et malice. Film brillant qui mérite plusieurs visons pour en tirer tous les enseignements.
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