Le second film japonais de la sélection officielle est Asako I & II (Netemo sametemo) de Ryusuke Hamaguchi. Ce cinéaste a été récemment révélé en France par la difusion de son film séries Senses en 5 épisodes. Dans son dernier film Asako est une femme de 21 ans, vivant à Osaka. Elle tombe amoureuse de Baku, un esprit très libre. Un jour, il disparaît. Deux ans plus tard, Asako rencontre à Tokyo Ryohei. C’est le sosie de son ancien petit-ami, mais en beaucoup plus rangé. Elle refait sa vie avec lui. Mais un jour Baku reparaît… Ce cinéaste s’intéresse beaucoup à l’intime des relations humaines. Ici c’est la vie amoureuse d’Asako qu’il suit avec une mise en scène légère et subtile, avec un rythme qui s’adapte aux états d’âme et aux situations d’Asako. Histoire qui peut paraître à prime abord simple, banale ou sans grand intérêt mais qui est plus profonde qu’il n’y paraît. Le départ soudain d’Asako avec Baku, au risque de tout perdre, n’est pas invraisemblable ; le cinéaste part de l’idée juste qu’un premier amour laisse en nous une trace indélébile et on n’aime jamais plus comme la première fois.
Le troisième film de David Robert Michell, Under the silver lake, a laissé les spectateurs très perplexes. L’action se déroule à Los Angeles où Sam, magnifique Andrew Garfield, est un trentenaire désoeuvré qui passe son temps à ne rien faire et à observer à la jumelle ses voisines d’âge mûr qui se promènent les seins nus sur leur balcon ou qui se baignent dans la piscine en contrebas. Il cède aux avances de l’une d’elles qui disparaît mystérieusement. Il part à sa recherche et se perd dans une quête faite d’énigmes qu’il doit élucider, persuadé qu’il y a un message secret, une carte au trésor dans chaque chanson, dans chaque fiction (la fameuse théorie du complot qui resurgit), avec le kidnapping d’un millionnaire, une tueuse à tête de chouette, des tueurs de chiens, des femmes qui aboient et j’en passe. Le début du film fait penser à Hitchcock tant l’allure de Sam rappelle celle d’Anthony Perkins dans Psychose. D’ailleurs on voit à un moment la tombe du maitre. Ce n’est pas le seul clin d’oeil qu’il y a dans ce film. Les cinéphiles se régaleront à les trouver, ils sont nombreux ; mais de manière très appuyée on retrouve Mulholland drive de David Lynch. La problème est que même si ce réalisateur sait faire du cinéma, même s’il y a de belles images, même si Sam a une allure désinvolte qui ne manque pas d’humour, on se demande bien le sens de ce film qui dure deux heures dix neuf (que c’est long !). Je citerais volontiers un journaliste du Monde qui a écrit : « c’est du Lynch Bubble gum » !
Le coréen Lee Chang-Dong est bien connu de Cannes où il a été sélectionné trois fois, notamment en 2010 où son film Poetry avait obtenu le prix d’interprétation féminine et celui du scénario. Son film présenté cette année, Burning, ne démérite pas. Lors d’une livraison, Jongsu, un jeune coursier d’origine paysanne, tombe par hasard sur Haemi, une jeune fille qui habitait auparavant son quartier. Ils passent la nuit ensemble. Il tombe amoureux d’elle. Elle lui demande de s’occuper de son chat pendant un voyage qu’elle va faire en Afrique. À son retour Haemi lui présente Ben, un homme plein de charme et de désinvolture, assez mystérieux, qu’elle a rencontré au cours de son voyage. Il a un magnifique appartement, roule en Porsche et ne semble pas avoir d’activité. Un jour Ben révèle à Jongsu un étrange passe-temps… Ce film est adapté de l’œuvre du grand écrivain japonais Haruki Murakami, Les granges brûlées. Et on retrouve très bien l’atmosphère de cet auteur où la vérité avance masquée et ne se dévoile qu’en toute fin. Tout est séduisant dans ce film : mise en scène sobre et minimaliste, beauté des plans, et surtout le mystère qui entoure chacun de ses personnages chez lesquels on sent un malaise, mais lequel ? Le chat existe-t-il vraiment ? Jongsu n’a jamais réussi à le voir. Le puit dans lequel Haemi prétend être tombé petite, existe-t-il ? D’où viennent les moyens de Ben, sorte de Gatsby, comme il en existe beaucoup en Corée dit un des personnages ? Où est passée Haemi ? La seconde partie est plus mouvementée. On ne comprend pas très bien ce que cherche Jongsu en pistant Ben, jusqu’à la scène finale qui nous laisse imaginer toutes les motivations possibles de Jongsu. Un très beau film qui devrait avoir ses chances.