Auteur : Né en 1969 à Londres Steve McQueen est un artiste et un réalisateur britannique. Après des études d’art à Londres puis à New York, il ne tarde pas à se faire un nom dans le monde de l’art contemporain, grâce à des vidéos expérimentales souvent influencées par le cinéma. Exposé dans les plus grands musées, du Guggenheim à la Tate Gallery, il décroche en 1999 la récompense la plus prestigieuse décernée à un artiste britannique : le Turner Prize. Lorsque Channel 4 lui propose de réaliser un long métrage, Steve McQueen, artiste engagé – il a signé en 2003 une œuvre de commande en hommage aux Britanniques tués en Irak -, décide de revenir sur une page sombre et marquante de l’Histoire récente de son pays : la mort, des suites d’une grève de la faim, de Bobby Sands, meneur d’un groupe de prisonniers membres de l’IRA, en 1981. Présenté à Cannes dans le cadre d’Un Certain Regard, Hunger emporte la Caméra d’Or. Son deuxième long métrage, Shame, traite de la thématique de l’addiction sexuelle. En 2013 il réalise 12 Years a Slave et obtient l’Oscar du meilleur film, de la meilleure actrice pour Lupita Nyong’o et du meilleur scénario adapté, ainsi que le prix du meilleur film dramatique aux Golden Globes. Les Veuves est son quatrième long métrage.
Résumé : Chicago, de nos jours. Trois femmes qui ne se connaissent pas. Leurs maris viennent de mourir lors d’un braquage qui a mal tourné, les laissant avec une lourde dette à rembourser. Elles n’ont rien en commun mais décident, avec une quatrième, d’unir leurs forces pour terminer ce que leurs époux avaient commencé. Et prendre leur propre destin en main…
Analyse : Steve McQueen ne réalise pas seulement un film sur un braquage. Ce serait trop simple pour ce cinéaste engagé. L’auteur de Hunger, Shame ou 12 Years a Slave (voir ma fiche du 11 décembre 2015) a fait un film qui ne détonne pas dans sa filmographie, contrairement à ce qui a pu être écrit. On retrouve ses thèmes favoris, toujours politiques, comme le mépris des puissants, les injustices subies par les victimes, le racisme et le machisme profond de la société, autant de sujets qui lui tiennent à cœur. Seul le style diffère. Il adopte cette fois-ci le genre du thriller, qui parait plus léger, et y ajoute un regard plus appuyé sur la situation des femmes. On peut dire qu’il a fait un film résolument féministe. « Si les féministes veulent s’approprier Les Veuves, ça me va … Si Les Veuves peut amener des gens à réfléchir sur le rôle des femmes dans la société, ce sera un début » dit-il. Trois femmes qui en perdant leur voyou de mari ont tout perdu : le confort, la considération des autres hommes, leur statut économique et social. Une quatrième viendra les rejoindre. Harcelées, méprisées, trompées, ces femmes, sous l’autorité de Veronica (Viola Davis), vont prendre leur destin en main, même celle qui paraît la plus nunuche et qui devient call girl par nécessité ; à leur tour elles vont devenir des braqueuses, pour survivre tout simplement. Et avec succès, car qui les penserait suffisamment intelligentes et courageuses pour se battre comme des hommes ? Impensable ! Sans que pour autant le film nous montre une bande de revanchardes. Mais une union née de la nécessité de reprendre en main leur propre destin, un combat pour la vie. C’est la révolte des faibles contre les puissants nantis, corrompus et pourris, la révolte des femmes contre leur asservissement. Ce dernier aspect du film doit certainement beaucoup à la plume brillante de la romancière Gillian Flynn, co-scénariste, auteure de Gone Girl et Sharp Objects dans lesquels elle décrit le destin de femmes complexes et peu ordinaires.
Avec une mise en scène brillante, habile, très dynamique et intelligente, un suspens efficace, ce film social qui dénonce les travers de la société américaine d’aujourd’hui ne tombe pas dans le manichéisme racial ; les truands, les politiciens véreux, sont aussi bien blancs que noirs.
Des scènes audacieuses, comme la scène d’ouverture qui en plongée nous montre un couple mixte dans un lit d’un blanc immaculé qui s’aime avec fougue et, par un audacieux montage, nous fait passer d’un soupir amoureux aux sirènes d’un casse désastreux. C’est tout au long du film que le montage est audacieux. Comme le cinéaste s’est inspiré d’une série anglaise des années 80, il prend son temps avant d’arriver à l’action proprement dite en installant le contexte social et familial de chacune des héroïnes. Ce qui pourrait faire languir mais il a l’habileté de casser régulièrement le rythme.
Un film percutant, remarquablement interprété et qui ne laisse pas indifférent.