LA MULE

Auteur : né en 1930 à San Francisco, Clint Eastwood est un acteur, réalisateur, producteur américain. C’est à l’armée, où ses rencontres l’amènent à travailler chez Universal qu’il s’intéresse au cinéma. Il fait sa première apparition à l’écran en 1955 puis enchaîne les petits rôles anecdotiques. Son ascension débute avec un rôle dans la série Rawhide. Entre 1956 et 1958, il apparaît successivement dans quatre films. Peinant à percer dans son pays, Clint accepte de partir en Italie, et c’est grâce à Sergio Leone et la trilogie Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus, Le Bon, la brute et le truand qu’il devient très populaire. Devenu une star en quelques années, Eastwood retourne aux États-Unis et crée sa propre maison de production. Profitant du succès de Quand les aigles attaquent (1968), Eastwood, qui se spécialise dans les westerns et les films policiers, passe derrière la caméra en 1971 et réalise de nombreux films dont les plus connus sont Impitoyable (1992) qui remporte quatre Oscars dont ceux du Meilleur film et du Meilleur réalisateur, Sur la route de Madison (1995), Mystic River (2003) qui lui fait monter les marches du Festival de Cannes pour la quatrième fois, Million dollar baby (2005) pour lequel le cinéaste remporte à nouveau l’Oscar du Meilleur film et du Meilleur réalisateur, L’Échange et Gran Torino (2008).

Résumé : À plus de 80 ans, Earl Stone est aux abois. Il est non seulement fauché et seul, mais son entreprise risque d’être saisie. Il accepte alors un boulot qui – en apparence – ne lui demande que de faire le chauffeur. Sauf que, sans le savoir, il s’est engagé à être passeur de drogue pour un cartel mexicain. Extrêmement performant, il transporte des cargaisons de plus en plus importantes. Ce qui pousse les chefs du cartel, toujours méfiants, à lui imposer un « supérieur » chargé de le surveiller. Mais ils ne sont pas les seuls à s’intéresser à lui : l’agent de la DEA Colin Bates est plus qu’intrigué par cette nouvelle « mule »…

Analyse : Prenant prétexte d’un fait divers qu’il met en scène, Clint Eastwood, dans ce film qui n’est pas son dernier à 88 ans, se livre avec beaucoup de recul et d’autodérision. C’est un homme qui semble apaisé, serein, qui n’a plus l’angoisse de vieillir, qui montre ses failles, ses faiblesses, les marques du temps avec charme et tranquillité. Non sans malice il prend le contrepied du héros qu’il était dans ses autres films, et de ce qu’il est dans la réalité, transformant un républicain bon teint en mule transportant de la drogue pour un cartel mafieux. Il donne l’image d’un vieillard à la peau burinée, dépassé par la modernité, Internet et les téléphones portables, incapable d’envoyer un texto, qui tourne en dérision, dans des scènes pleines d’humour, les travers machistes ou racistes qu’on lui prêtait volontiers. Aucune introspection narcissique mais une grande simplicité et une tendresse qui nous le rend attachant et émouvant. L’acteur semble également porter un regard sur une Amérique qu’il ne reconnaît pas, ce qui le rend maladroit dans ses rapports avec ses concitoyens, témoin cette scène où il veut aider un couple noir, qu’il commence par appeler « negroes » et finit par « my coloured friends ».

Ce film respire également le plaisir qu’éprouve Eastwood à faire du cinéma et à jouer, même s’il a attendu dix ans, depuis Gran Torino, avant de se mettre en scène de nouveau. Mais là où le film nous épate, c’est par la performance physique de l’acteur qui est pratiquement dans tous les plans et qui imprime au film un rythme lent, pépère, qui exaspère ses commanditaires mexicains et qui nous fait trembler pour sa vie. Sur les routes de l’Ouest, dans des scènes un peu répétitives, il prend son temps et conduit avec un évident plaisir au son de chansons hors d’âge, de Dean Martin en particulier, qu’il chante volontiers à tue-tête.

Pour son travail, pour l’amour de ses fleurs et des déplacements, il a négligé sa famille qui lui en veut. Il est temps de se rapprocher d’elle, de faire amande honorable, de plaider coupable, « guilty », comme il le fera au cours du procès, de tenter une deuxième chance. Mais il comprendra que le temps ne peut être racheté et à la fin du film, très belle, il retournera aux fleurs. Si le road-movie et le thriller sont directement inspirés de l’histoire vraie de Leo Sharp, la part fictionnelle est la plus personnelle du film, notamment lorsqu’il met en scène la mort de sa femme. On ne peut pas ne pas songer à la mort en novembre dernier de son actrice et ex-compagne, Sandra Locke.

Malgré une mise en scène de facture classique, on est agréablement surpris par la photo du film. Sous la direction de Yves Bélanger, qui a travaillé notamment avec Xavier Dolan et Jean-Marc Vallée, l’ambiance n’est pas crépusculaire, comme dans beaucoup des précédents films du metteur en scène, mais la lumière est vive et éclatante. Les paysages qu’il traverse inlassablement sont baignés de soleil. Le film commence et se termine sur des gros plans de magnifiques fleurs très colorées, les hémérocalles, fleurs éphémères qui ne durent qu’un jour, « lys d’un jour », qu’il cultive avec amour et passion et qui donnent d’infinies possibilités d’hybridation.

Un film agréable, tendre et intime, un bon moment de cinéma.

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