Auteur : Nathan Ambrosioni est né en 1999 à Peymeinade, un village du sud de la France près de Grasse. Il commence à réaliser des courts métrages à 12 ans, dans le genre films d’horreur, dont certains sont sélectionnés dans des festivals de cinéma de genre. A seulement 18 ans, il réalise son premier long métrage, Les Drapeaux de papier, remarqué dans les festivals d’automne : il est passé par Namur en Belgique et a été doublement primé à La-Roche-sur-Yon, puis distingué à la Mostra de Valencia en Espagne.
Résumé : Charlie, bientôt 24 ans, mène une vie sans excès : elle se rêve artiste et peine à joindre les deux bouts. Quand son frère vient la retrouver après douze ans d’absence, sa vie est bousculée. Vincent a 30 ans et sort tout juste de prison où il a purgé une longue peine. Il a tout à apprendre dans un monde qu’il ne connait plus. Charlie est prête à l’aider. C’est son frère après tout, son frère dont la colère peut devenir incontrôlable et tout détruire malgré lui.
Analyse : Il n’est pas fréquent d’assister à la naissance d’un génie. Nathan Ambrosioni, retenez ce nom. À 12 ans il tourne son premier court métrage, The Rushing Tape, en utilisant ses copains de classe. Après ce premier film d’horreur, cet adolescent en tourne une série d’autres, toujours dans la même catégorie, sélectionnés dans des festivals de cinéma de genre. A 16 ans, il a ainsi accompagné un de ses films au Canada, en Italie, en Espagne ou encore au Brussels International Fantastic Film Festival, et au FrightFest de Londres, où l’organisateur lui demande gentiment de sortir de la salle après sa présentation car son film est interdit au moins de 18 ans … ! A 17 ans, il passe son bac, brillamment semble-t-il, et se met à écrire le scénario des Drapeaux de papier, qui n’est pas un film d’horreur, qu’il tourne l’année suivante. Ce changement de genre est dû à sa « rencontre » avec Xavier Dolan. Après avoir vu Mommy il comprend deux choses : qu’on peut faire du cinéma en étant jeune, et surtout qu’on peut faire des films d’auteur. Les Drapeaux de papier est un film d’une maturité sidérante. Tout est juste, jusque et y compris les gestes de Vincent qui caresse compulsivement son crâne rasé, signe de son mal-être profond et de son impuissance devant sa nouvelle vie. Partant d’un fait divers lu dans un journal le jeune réalisateur retrace la sortie de prison de Vincent (remarquable Guillaume Gouix), « libéré sec », qui ne bénéficie d’aucun suivi ni d’aucun plan de réinsertion. On pourrait dire que c’est un film « sec » comme la sortie de Vincent, c’est-à-dire sans fioritures, sans digressions, sans hors sujet ni remplissage ; un film qui va à l’essentiel. Pour donner de la force à son propos il filme avec une remarquable maîtrise le personnage principal, avec de gros plans sur son visage pour mieux nous faire ressentir les tourments qui l’habitent. Les raisons pour lesquels il a fait 12 ans de prison sont habilement distillées au cours du film. Et on comprend l’empathie du réalisateur pour ce personnage qui n’est pas un voyou mais un caractériel qui ne peut maîtriser ses accès de colère, courts moments de folie au cours desquels il a tué un homme, ce qui n’est pas sans nous rappeler le héros de Mommy. Comme Dolan il nous plonge dans une réalité sociale bouleversante. Sans tomber dans la facilité de l’excès ou du pathos, il scrute avec finesse et précision les rapports familiaux faussés par le parcours et la personnalité de Vincent. Comment sa sœur Charlie (très prometteuse Noémie Merlant) passe de la méfiance à la tendresse et la compréhension, comment son père obtus sans aucune humanité le rejette. De beaux moments d’émotion où les silences sont intelligemment utilisés. Avec en plus une photographie particulièrement soignée et un montage très audacieux. C’est un grand film, une parfaite réussite.
On peut s’étonner de sa diffusion très discrète. Allez vite le voir tant qu’il est encore à l’affiche. Par exemple, à Paris intra-muros, il est projeté dans une salle unique.