Auteur : Pedro Almodovar est un réalisateur espagnol né en 1949. Il est l’un des cinéastes emblématiques de la nouvelle vague espagnole. Franco ayant décidé de fermer l’école de cinéma, il essaye d’apprendre le langage cinématographique en multipliant ses expériences artistiques personnelles dans différents domaines. Entre 1974 et 1985 il réalise plusieurs courts métrages en amateur, remarqués dans le milieu underground. En 1986 il fonde avec son frère Augustin leur maison de production « El Deseo S.A. ». Son premier long métrage distribué, en 1980, Pepe, Luci, Bom et autres filles du quartier se démarque déjà par sa liberté de ton, son goût pour les marginaux puis pour les aléas sentimentaux et sexuels. C’est un réalisateur prolixe. Il a tourné 23 longs métrages dont en 1989 Femmes au bord de la crise de nerf qui est récompensé par 5 Goyas du cinéma espagnol et lui acquiert une réputation internationale. En 1999 Tout sur ma mère remporte l’Oscar, le César du meilleur film étranger, le Prix de la mise en scène à Cannes et les Goyas du meilleur film et du meilleur réalisateur. Suivent en 1991 Talons aiguilles, Parle avec elle (2002) puis La Mauvaise éducation (2004) et Volver (2006) qui sont de grands succès internationaux. Parmi d’autres réalisations, La Piel que habito (2011) et Julietta (2016) sont sélectionné en compétition officielle à Cannes. Dolor y Gloria est son 23ème long métrage.
Résumé : Une série de retrouvailles après plusieurs décennies, certaines en chair et en os, d’autres par le souvenir, dans la vie d’un réalisateur en souffrance. Premières amours, la mère, la mort, des acteurs avec qui il a travaillé. L’impossibilité de séparer création et vie privée, et le vide insondable face à l’incapacité de continuer à tourner.
Analyse : Douleur et gloire est le film le plus intime, le plus tendre, le plus mélancolique, le plus abouti, le plus sobre aussi d’Almodovar. Salvador Mallo est un réalisateur à succès vieillissant, confronté à des souffrances physiques et psychiques qu’il nous expose longuement. Il est en panne de création, ne tourne plus, est perclus de douleurs. Prisonnier de son mal être il vit reclus dans un appartement aux fenêtres calfeutrées, qui est la reconstitution de l’appartement du cinéaste. C’est un peu l’histoire de ce dernier mais il se défend d’avoir fait une autobiographie, plutôt une autofiction assure-t-il avec malice. Salvador retrouve son passé, par le souvenir et dans la réalité. Dans les premières images du film il est immergé dans une piscine, en apnée, pour soulager son dos, et lorsqu’il émerge, ce sont des scènes d’enfance qui remontent à la surface, une enfance misérable, idyllique, telle que l’imagine le réalisateur dans son souvenir, auprès d’une mère aimante, magnifique (exceptionnelle Penelope Cruz). Tout ici est lumière et soleil. Des souvenirs qui émergent au gré de sa déprime, de ses douleurs, de sa consommation d’héroïne, qui embellissent la maison-grotte restaurée par un jeune peintre analphabète auquel il apprend à lire et écrire, et auprès duquel il éprouvera les premiers émois du désir, son passage au séminaire où les curés l’ont rendu ignorant en le dispensant des matières importantes pour aller à la chorale car il avait une belle voix. Des souvenirs qui l’aident à chasser son angoisse devant son incapacité à tourner et qui, dans une pirouette de la fin du film, nous font comprendre que le réalisateur a retrouvé le chemin de la création.
Défilent également des acteurs qui ont accompagné sa vie de cinéaste et, par des coïncidences magiques, ceux qu’il a aimé et qui ont rempli sa vie. Une des plus belles scènes, pleine de tendresse, d’émotion et de nostalgie, lorsqu’il retrouve un amour perdu dans une longue discussion nocturne sur leur passé. Ce film est un peu différent de ceux auxquels nous avait habitué Almodovar. Ici pas d’outrance ni de provocation, une grande mélancolie, un rythme plus lent, mais une grande profondeur ; peu de femmes à part la mère omniprésente et douloureuse qui reprochera à Salvador de n’avoir pas été un bon fils. Mais on retrouve le talent du réalisateur. Tout est beauté, les décors, les cadres de vie, les couleurs surtout qu’Almodovar sait tellement bien assortir, ses magnifiques cadrages où certains plans sont comme des tableaux de maitre, notamment la première scène du souvenir d’enfance où la mère, au milieu de lavandières, lave son linge au bord de la rivière.
Ce film a reçu à Cannes le prix d’interprétation masculine attribué à Antonio Banderas incarnant Salvador Mallo, éblouissant de talent, au jeu complexe, subtil et profond. Mais une Palme d’or aurait, à mon avis, mieux couronné un film qui le méritait et une toute une carrière.
Avis complètement partagé.