Merce Cunningham aurait eu 100 ans cette année. Pour cet anniversaire le festival de danse de Montpellier a choisi de le mettre à l’honneur. Plusieurs manifestations ont eu lieu dans la ville qui évoquent son souvenir et sa chorégraphie. Parmi celles-ci le Ballet de l’Opéra de Lyon a repris deux de ses chorégraphies.
Je vous ai déjà présenté le ballet de l’Opéra de Lyon (voir fiche du 25 juin). Quelques mots sur Merce Cunningham pour celles et ceux qui ne le connaîtraient pas. Ce chorégraphe est considéré comme le précurseur de l’avant-garde en matière de danse contemporaine. Après des études de lettres et de théâtre, il est entré au Cornish Institute of Applied Arts, à Seattle, où il a rencontré John Cage, professeur, qui sera son compagnon et collaborateur. Après un passage comme danseur dans la compagnie de Martha Graham, il commence ses propres chorégraphies en totale rupture avec l’expressionnisme de Graham, inspiré par le livre chinois des « mutations », (le Yi-King), auxquelles il associe le peintre Robert Rauschenberg. En 1953 il crée sa propre compagnie avec laquelle il bouscule les habitudes : pas d’argument, pas de rapport à la musique. La reconnaissance publique et critique viendra plus tard, en particulier en France, où Merce Cunningham aura une influence importante sur ce qu’on a appelé la « jeune danse française » (années 1970-1980). Merce Cunningham aura révolutionné la façon de penser la danse : en la rendant indépendante de la musique qu’elle n’illustre pas, en laissant le mouvement parler de lui-même, sans le charger d’une histoire à raconter ou d’un sentiment à exprimer. « Tout ce qui est vu trouve sa signification à l’instant même. Le sujet de la danse, c’est la danse elle-même. » Ayant eu toute sa vie la passion d’explorer et d’inventer (faisant notamment intervenir le hasard dans la composition de ses pièces, à la suite des musiques « aléatoires » de John Cage : l’ordre des séquences dansées pouvant être tiré au sort, juste avant la représentation), Merce Cunningham s’est montré précurseur dans l’utilisation des nouvelles technologies : possibilités offertes à la danse par le film, la vidéo et les programmes informatiques pour construire la chorégraphie, reproduction du mouvement par des capteurs lumineux posés sur les corps des danseurs.
Deux magnifiques chorégraphies du maître nous sont présentées :
Summerspace (1958). Dans un décor conçu par Robert Raushenberg, très pointilliste, que l’on retrouve sur les costumes des danseurs, sur une partition de Morton Feldman avec des sons métalliques ou étouffés, cette pièce est lumineuse, dynamique, aérienne. Les danseuses et danseurs se déplacent dans des sauts rapides, vont dans tous les sens, semblent voler. Un grand bonheur.
Exchange (1978). Divisée en trois parties cette pièce commence avec la moitié des danseurs, puis l’autre moitié et l’ensemble pour finir. Merce Cunningham disait : « J’ai souvent été frappé par le concept de récurrence, d’idées, de mouvements, d’inflexions revenant sous des formes différentes, jamais identiques ; c’est toujours un nouvel espace et un moment différent. J’ai donc décidé de l’utiliser dans Exchange. » L’ordre des mouvements a été dicté par des opérations aléatoires. Cette pièce est plus sombre que la précédente et évoque davantage un univers urbain figuré par les décors et les costumes de Jasper Johns, dans les couleurs d’un gris sombre et sale. Toujours les mêmes danses pleines de vigueur, de maîtrise et d’enthousiasme.
Saluons au passage le talent et la virtuosité des danseuses et danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon.