Auteur : Gu Xiaogang, né à Fuyang (Hangzhou) au sud-est de la Chine, est scénariste et réalisateur. Lors de ses études universitaires en Design de Mode et Marketing, il s’est intéressé à la réalisation de film. Son premier long métrage, Séjour dans les monts Fuchun, a été tourné au cours de quatre saisons. Présenté en clôture de la 58e Semaine de la Critique à Cannes 2019, il est le premier de sa trilogie » Mille Miles le long de la Rivière Yangtsé « .
Résumé : Le destin d’une famille s’écoule au rythme de la nature, du cycle des saisons et de la vie d’un fleuve.
Analyse : Ce jeune cinéaste de 32 ans, dont c’est le premier film, nous offre une chronique familiale, méditative et lente sur la vie d’une famille simple de la ville de Fuyang de la province de l’Anhui au sud-est de la Chine. Une fresque qui se déploie en suivant sur trois générations le sort entrecroisé d’une vieille mère et de ses quatre fils ; l’ainé, restaurateur endetté et laborieux qui reçoit au début du film toute la famille pour fêter l’anniversaire de l’aïeule, le second humble pêcheur vivant difficilement, le troisième dilettante incapable de prendre femme et le marginal, joueur endetté, responsable d’un fils trisomique, qui monte un tripot illégal où tricher devient le moyen de gagner de l’argent. Avec en toile de fond une nature sublime et une Chine contemporaine en pleine mutation, où la modernisation à marche forcée creuse les inégalités, détruit les vestiges du passé pour construire plus grand, plus moderne mais aussi plus cher, forçant les classes moyennes chassées de leur maison à trouver des solutions de fortune, comme le frère pêcheur qui vit désormais sur son bateau, dont la femme résume la situation « On a vécu ici trente ans et tout est démoli en trois jours ».
Le rythme du film est calqué sur une des plus vieilles et plus fameuses peintures du 14ème siècle auquel il a emprunté son titre. Un rouleau de sept mètres sur trente-trois centimètres, peint entre 1348 et 1350 par Huang Gongwang fondé sur les principes du shanshui, harmonie des montagnes et de l’eau. Le film se déploie comme un rouleau ancien, avec la lenteur du fleuve qui baigne la ville, de longs plans-séquences qui intègrent l’homme dans la nature, d’une grande poésie, dont un particulièrement audacieux et habile où la caméra suit pendant près de dix minutes la promenade le long du fleuve d’un couple dont le jeune homme se met à l’eau en pariant avec son amie qu’il arrivera avant elle au bout de la promenade en nageant. Des temporalités entremêlées, le temps présent fait des épisodes du quotidien, qui embrasse les vies intimes et la nature immuable, éternelle, le temps à venir qui n’offre aucune certitude, le temps passé, lien entre les deux, que le cinéaste n’oublie pas, essayant de retrouver quelque chose de la ville de son enfance.
La mise en scène de Gu Xiaogang n’a pas l’énergie, le brillant, la virtuosité de celle d’un Yiao Yinan, vue récemment dans Le Lac aux oies sauvages. C’est une mise en scène calme, maîtrisée, envoûtante, douce et fluide, d’une force tranquille tout aussi efficace que celle de son compatriote. Le jeune réalisateur a mis deux ans pour réaliser son film. D’abord faute de moyens, utilisant des acteurs non professionnels et des membres de sa famille. Mais aussi pour pouvoir filmer toutes les saisons, ce qui nous donne l’impression de voyager dans le temps. A la manière d’une série, il promet deux autres volets qui complèteront son film. On peut les attendre avec impatience en espérant qu’elles confirmeront le grand talent de ce tout nouveau cinéaste qui confirme la vitalité et la richesse d’un cinéma chinois qui ne cesse de nous ravir.
Merci 🙂 Ça donne très envie !
Sans doute le prochain film que j’irai voir.