Auteur : Alain Resnais (1922-2014) est un réalisateur, scénariste, monteur français. A la fin des années 40 il commence à réaliser des courts et moyens métrages comme Van Gogh, Guernica et surtout Nuit et brouillard, premier film de référence sur les camps de concentration. Après Hiroshima mon amour (1959) et L’année dernière à Marienbad (1961), il est considéré comme l’un des grands représentants du Nouveau cinéma, un des pères de la modernité du cinéma européen, avec Rosselini, Bergman et Antonioni. Tout au long de son œuvre, se retrouve un grand nombre de thèmes tels que des sujets historiques, la mémoire, l’engagement politique, l’intimité, la réalité de l’esprit, le rêve, le conditionnement socio-culturel, la mort, la mélancolie et l’art. Réalisateur célébré par la profession, il a été plusieurs fois récompensé aux Césars et dans les festivals internationaux. L’année dernière à Marienbad a obtenu le Lion d’Or à la Mostra de Venise 1961. Il a été restauré, repris et diffusé en 2018.
Résumé : Dans un grand hôtel fastueux, un homme tente avec acharnement de convaincre une femme qu’ils ont eu une liaison l’année dernière à Marienbad.
Analyse : L’année dernière à Marienbad n’est pas un film facile. Ii peut déconcerter certains spectateurs. Alain Resnais, qui contrairement aux tenant de la nouvelle vague n’a pas écrit le scénario, a fait appel, comme dans Hiroshima mon amour, à un auteur appartenant au mouvement littéraire qualifié de « Nouveau roman », Alain Robbe-Grillet. Écriture dans laquelle la notion même de personnage cohérent d’un bout à l’autre est rejetée, comme la notion d’intrigue qui passe au second plan. Le lecteur ne doit avoir aucune certitude de ce qu’il croit comprendre, il participe, en quelque sorte, à l’œuvre littéraire car il doit maîtriser la culture utilisée par l’auteur. Ce rappel des principes du nouveau roman colle parfaitement à ce film. Resnais y a réalisé l’association intime entre Nouvelle vague et nouveau roman. Il a incarné en images les mots et les idées du pape du nouveau roman. Un film littéraire, intellectuel, qui casse les repères spatio-temporels de la fiction classique, qualifié par ses détracteurs d’ésotérique, voire ennuyeux, mais qui est d’une modernité passionnante et d’une fascinante beauté. Le film commence sur une voix d’homme qui semble nous décrire ce qui va apparaître. La caméra glisse le long de ces couloirs labyrinthiques d’un hôtel baroque somptueux, sur une mélodie aiguë d’un orgue, qui couvre ou laisse surgir cette voix qui semble dire toujours la même chose, les mêmes mots. Images intemporelles, d’un passé qui peut être le présent, qui effleurent des êtres humains, habillés comme pour un bal, sortes de marionnettes figées qui peuplent le décor. Seul un couple semble être vivant. Un homme s’approche d’une femme de laquelle émane une grâce évanescente, irréelle. Il prétend la connaître, il assure même qu’ils se sont aimés, l’année dernière, ici à Marienbad ; qu’ils se sont jurés de se retrouver. Elle ne comprend pas, ne se souvient pas, repousse ses avances et lui répète inlassablement « Laissez-moi, je vous en supplie ». Pourtant lui, semble se souvenir de tout, de ses attitudes, de la statue sous laquelle ils se sont embrassés, de la photo qu’il a prise. Elle ne se souvient pas, ou feint de ne pas se souvenir. Elle va céder, cède-t-elle vraiment ou était-ce l’année dernière ? C’est un film totalement onirique dans lequel on retrouve les thèmes qui traversent l’œuvre de Resnais, la mémoire qui accompagne l’oubli, l’intemporalité (un film « dont on ne saurait laquelle est la première bobine » comme il aimait à le dire), le passé qui se mêle au présent, des paroles incantatoires qui accompagnent les images, l’amour, les désordres du sentiment amoureux, son incommunicabilité.
Ce film culte est fascinant, d’une grande beauté, avec des images somptueuses qui laissent une empreinte durable dans le souvenir du spectateur. Un film que l’on n’oublie pas.