Auteur : Luchino Visconti (1906-1976) est un réalisateur, acteur, scénariste italien, issu d’une grande famille Lombarde. Sa carrière au cinéma commence en 1936, lorsqu’il collabore avec Jean Renoir, notamment sur Les Bas Fonds, Une partie de campagne, La Tosca. Très influencé à ses débuts par le cinéma réaliste, il dirige son premier long métrage Les Amants diaboliques (1942). Il crée également une troupe de comédiens et monte plusieurs pièces lyriques. Il revient à la réalisation pour La Terre tremble (1948), puis Bellissima (1951). Senso (1954) sa première œuvre couleur est nommée au Lion d’or de Venise. Il obtient le Lion d’argent pour Les Nuits blanches (1957) puis le Prix spécial de la Mostra pour Rocco et ses frères (1960). Sa reconnaissance internationale viendra avec Le Guépard (1963) pour lequel il obtient une Palme d’or au Festival de Cannes. Plusieurs autres réalisations suivent, dont de grandes fresques historiques comme Les Damnés (1969). Toujours sensible à la décadence d’un monde, il réalise Mort à Venise (1971), puis Ludwig (1972). Suivent deux autres films plus sombres, Violence et Passion (1974) et son dernier, L’Innocent (1976). L’œuvre de Visconti est d’une grande richesse, qui fait de lui une légende du cinéma.
Interprètes : Dirk Bogarde (Gustav Von Aschenbach) ; Bjorn Andresen (Tadzio) ; Silvana Mangano (la mère de Tadzio) ; Marisa Berenson (Madame Von Aschenbach).
Résumé : Venise, années 1900. Pressé par ses médecins, le compositeur allemand Gustav Von Aschenbach va prendre quelque repos à l’Hôtel des Bains, sur le Lido. Pendant que souffle le sirocco et que bruissent des rumeurs d’épidémie de choléra, il y fait la rencontre de la Beauté, en la personne d’un jeune noble polonais, Tadzio.
Analyse : Dans Mort à Venise, qui est parmi ses derniers films, on retrouve toutes les obsessions de Visconti, la vieillesse, la mort, l’amour, sa fascination pour la beauté et la jeunesse. Adapté d’un roman de Thomas Mann, sensible comme lui à la décadence du monde, il réalise un véritable chef d’œuvre ; un film parfait tant d’un point de vue cinématographique qu’esthétique, avec de magnifiques images, des décors somptueux, reconstitués avec le soin et l’art de la précision qu’on connait à l’auteur. Très peu de dialogues, il est essentiellement centré sur les pensées de Gustav Von Aschenbach. Ce dernier affirmait à son ami Alfred que la beauté ne peut être spontanée mais seulement issue de l’imagination de l’artiste et engendrée par l’art. Et pourtant ! On assiste à la sidération du vieux compositeur devant cet adolescent sublime, blond, gracile, d’une beauté pure comme un ange de Raphaël. Il est l’innocence, la perfection vers laquelle il a tendu toute sa vie dans sa musique. Insoutenable éblouissement de la Beauté illustré par les vers de Platon, en exergue du film, « Celui dont les yeux ont vu la Beauté A la mort dès lors est prédestiné ». Tout se joue dans le regard de ce vieil homme qui exprime le choc de l’émerveillement, la crainte de ce sentiment et finalement son acceptation. Par une série de zooms avant et zooms arrière Visconti parvient à nous sensibiliser au trouble que suscite Tadzio chez le vieil homme. Les lents travellings nous disent la mélancolie d’un homme malade en fin de vie, touché par une beauté qu’il n’atteindra jamais comme cet horizon que désigne Tazdio à la fin du film, silhouette inoubliable qui se détache sur un si beau coucher de soleil annonciateur de mort. L’adagietto de la 5ème symphonie du grand compositeur romantique Gustav Mahler ajoute à la fascination qu’exerce ce film en soulignant son atmosphère mélancolique, sombre et crépusculaire.
Il n’est pas facile d’exprimer dans le langage cinématographique l’éblouissement que provoque l’indicible beauté. C’est tout le talent du réalisateur qui a créé ce pur chef d’œuvre qu’on a toujours un immense plaisir à revoir.