Tristana

Tristana 1970 real : Luis Bunuel Cathrine Deneuve Fernando Rey COLLECTION CHRISTOPHEL

Auteur : Luis Buñuel (1900-1983) est un réalisateur et scénariste espagnol naturalisé mexicain. Il se fait connaître, à la fin du cinéma muet, comme metteur en scène surréaliste d’avant-garde, travaillant avec Salvador Dali et le groupe surréaliste autour d’André Breton. Il réalise à cette époque un court métrage, Chien andalou (1929), qui fait scandale. Il réalise ensuite une série de courts, moyens et longs métrages, (34), tournés en Espagne, en France et au Mexique, dans quasiment tous les genres cinématographiques et dans lesquels se manifestent son caractère iconoclaste et subversif. Souvent récompensé dans des festivals internationaux, notamment à Cannes, il est considéré comme l’un des réalisateurs les plus importants et les plus originaux de l’histoire du cinéma.

Résumé : Un aristocrate vieillissant tombe amoureux de sa pupille et en fait sa maîtresse.  Elle le quitte quand elle tombe amoureuse d’un peintre. Lorsqu’elle est amputée d’une jambe elle revient chez son tuteur qu’elle épouse. Elle le laissera mourir. 

Analyse : Tristana est le troisième et dernier film de Buñuel réalisé en Espagne, neuf ans après Viridiana. On y retrouve le récit d’une innocence corrompue, des conséquences psychiques et affectives qui en découlent, avec la même noirceur malsaine. C’est un de ses film les plus discrets, où tout est triste et gris, comme cette ville de son enfance, Tolède, à l’aspect provincial et vieillot, comme ces intérieurs bourgeois austères et sans faste. Une œuvre tout en intériorité, mystérieuse, loin de l’imagination débordante de certains de ses films comme Le charme discret de la bourgeoisie, loin du surréalisme flamboyant de Chien andalou ou du côté iconoclaste de La Voie lactée. Mais on y retrouve la patte du réalisateur. Un faux réalisme derrière lequel se cachent des personnages séduisants, complexes, dérangeants, intelligents et fous, un climat lourd et délétère, l’amour proche de la haine. Don Lope incarne ce que Buñuel déteste, une bourgeoisie figée et hypocrite, et en même temps ce qu’il pense quand ce notable désargenté tient les propos d’un libre-penseur, athée, anticlérical et progressiste. Il se dit hostile à toute morale sexuelle, est un coureur de jupons invétéré. Toutefois, comme chez beaucoup d’aristocrates qui se veulent marginaux, il déroge allègrement à ses principes. Il dit ne respecter que deux choses « la femme d’un ami » et « l’innocence virginale » qu’il s’empresse de déflorer. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais. Tristana est également une œuvre emprunte d’une réflexion pessimiste sur la décrépitude de la vieillesse et la désillusion.

Le personnage de Tristana est également d’une grande complexité. Au début du film elle est candide, ingénue, belle et pure. Orpheline, elle a la chance d’être accueillie par cet aristocrate qui lui offre des conditions de vie inespérées. Mais Don Lope succombe à son charme et en fait sa maîtresse. Il est difficile de savoir dans quelle mesure elle est consentante. Elle ne lui résiste absolument pas, ne manifeste aucune sidération et se déshabille spontanément quand il l’amène pour la première fois dans sa chambre. Est-elle calculatrice ou victime ? Elle applique à la lettre les principes de liberté qu’il lui a enseignés mais qu’il n’entend pas lui permettre. Amoureuse elle part vivre son amour, jusqu’à ce que le destin s’acharne de nouveau sur elle. Amputée d’une jambe elle rejoint Don Lope, se fait épouser, mais le déteste cordialement. Elle change physiquement, devient une femme aigrie, méchante, calculatrice et vengeresse, bien que toujours séduisante, alors que par un retour de situation, lui, devient un mari sage et attentionné. Qui est victime, qui est bourreau ? Qui est le plus coupable des deux ?

Un film intelligent, d’une grande complexité, d’une parfaite noirceur, qui reflète l’âme tourmentée de son réalisateur.

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