Auteur : né en 1980, Aurel est un dessinateur de presse, auteur de bandes dessinées et cinéaste. Il abandonne en 2001 ses études scientifiques pour exercer en tant que dessinateur de presse dans la presse locale. Il réalise plusieurs années durant pour le quotidien L’Hérault du jour des croquis d’audience lors des procès d’assises, puis pour l’Agence France presse. Publié en presse nationale, il travaille ensuite pour le quotidien Le Monde (depuis 2007), les hebdomadaires Politis et Marianne (de 2003 à 2011). Ses dessins illustrent aussi le mensuel de critique sociale CQFD. À partir d’avril 2015, il illustre des articles dans Le Canard enchaîné. En 2019, il publie une bande dessinée, Fanette. En 2011, il coréalise avec Florence Corre le court-métrage d’animation Octobre noir. Il a obtenu plusieurs récompenses : Prix Spécial Plumes et goudron 2006, Grand Prix de l’Humour Vache et Prix Presse Citron en 2012, Prix du meilleur album en langue étrangère 2014 au Festival international de la BD d’Alger. Josep, son premier long métrage, a été sélectionné pour le Festival de Cannes 2020.
Interprètes : avec les voix de Sergi Lopez (Josep), Gérard Hernandez (le grand-père), Bruno Solo (Serge), Silvia Pérez Cruz (Frida Kahlo), David Marsais (le petit-fils), François Morel (un gendarme), Valérie Lemercier (La mère du petit-fils).
Résumé : Dans ce film d’animation, Aurel raconte l’histoire de Josep Bartoli, dessinateur engagé contre la dictature de Franco, de sa détention dans un camp de réfugiés en France en 1939, jusqu’à sa fuite au Mexique puis à New-York. Il met en lumière l’amitié qui se noue alors entre l’artiste et un gendarme français.
Analyse : Avec ce premier long métrage Aurel signe un magnifique film d’animation qui retrace le destin de Josep Bartoli, dessinateur de presse catalan, responsable du Parti communiste catalan et commissaire politique du Parti ouvrier d’unification marxiste (le POUM), qui à l’issue de la guerre d’Espagne, en 1939, a dû fuir son pays et s’est retrouvé parmi les quelques 450 000 réfugiés dans le sud de la France. Exode douloureux connu sous le terme « La Retirada » (la retraite). Loin d’être accueillis à bras ouverts par la « la patrie des droits de l’homme », ils ont été parqués dans des camps de concentration, notamment ceux d’Argelès et de Rivesaltes, où ils ont survécu dans des conditions humiliantes et indignes, pouilleux, en haillons, mal nourris, mal soignés, violentés, en butte à un effroyable racisme de la part des petits gendarmes qui les gardaient et qui préfiguraient ce que serait la France collaborationniste de Vichy. Dans cette désespérance une lueur d’espoir. Un gendarme plein de compassion, Serge, qui se lie d’affection pour Josep, lui fournissant papier et crayons pour lui permettre de dessiner. Aurel, lui-même dessinateur, réalise un grand ‘film dessiné’, comme il aime à le dire, d’une grande force politique (« le dessin comme un cri »), qui met l’accent sur une page particulièrement déshonorante de notre histoire et sur la transmission de la mémoire. En effet le film est sous forme de flash-back qui alternent entre présent et passé, de Serge mourant qui raconte cet épisode de sa vie à son petit-fils, au destin exceptionnel de Josep. Un dessin politique dédié d’ailleurs à Tignous, assassiné lors de l’attentat de Charlie Hebdo. Un film audacieux dans sa forme. Pour chaque séance chronologique Aurel utilise un trait particulier. Très classique lorsqu’il dessine le présent, la relation entre Serge et son petit-fils, un rythme d’animation saccadé et un trait précis lorsqu’il figure l’horreur du camp avec des couleurs noires, ocres et des dessins à la plume, des couleurs flamboyantes et vives, orange et bleu maya, pour les images qui sont parfois comme des ébauches, lorsqu’il montre la vie de Bartoli qui a réussi à fuir au Mexique, en passant par les bras de Frida Kahlo, et s’est installé plus tard aux États-Unis. Aurel mêle parfois à son film de vrais dessins de Bartoli car ils parlent la même langue. Co-scénarisé par Jean-Louis Milesi, un collaborateur de longue date de Robert Guédiguian, ce film est splendide, chargé d’une grande poésie, d’une sensibilité et d’une émotion bouleversantes qui vont droit au cœur. On ne peut que regretter l’annulation du festival de Cannes car il aurait probablement figuré au palmarès.