Auteur : Massoud Bakhshi, né en 1972, est un réalisateur, scénariste et directeur artistique iranien. Il obtient son diplôme de photographie et de cinéma en 1990. Il travaille en Iran comme critique de cinéma, scénariste et producteur de 1990 à 1998. Il passe ensuite un an en Italie pour apprendre la réalisation, puis à Paris en 2005. Il réalise une dizaine de documentaires et un court métrage qui reçoivent des prix nationaux et internationaux dont trois Prix du Meilleur Réalisateur, deux Prix du Meilleur film pour Téhéran n’a plus de grenades (2007). Son court métrage Bag Dad Bar Ber (2008), sélectionné notamment à Locarno, reçoit le Prix du Meilleur Film à Tampere. Son premier long métrage, Une famille respectable (2012) qui a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, n’est pas sorti en Iran car il présente une critique de la société iranienne. Yalda a obtenu le Grand Prix du jury au Festival de Sundance 2020.
Interprètes : Sadaf Asgari : Maryam ; Behnaz Jafari : Mona ; Freshteh Sadre Orafaee : la mère.
Résumé : Iran, de nos jours. Maryam, 22 ans, tue accidentellement son mari Nasser, 65 ans. Elle est condamnée à mort. La seule personne qui puisse la sauver est Mona, la fille de Nasser. Il suffirait que Mona accepte de pardonner Maryam en direct devant des millions de spectateurs.
Analyse : C’est un film glaçant que nous propose le réalisateur iranien Massoud Bakhshi. Une émission de téléréalité dans laquelle on décide de la vie ou de la mort d’une personne déjà condamnée à mort par la justice. Fiction ? Malheureusement pas. Une telle émission, sidérante, existe bien en Iran. C’est effrayant ! Elle a lieu au moment de Yalda, fête zoroastrienne majeure, qui célèbre la plus longue nuit de l’hiver. Au cours de cette émission, Le Plaisir du pardon, les téléspectateurs votent pour le pardon ou la condamnation tandis que la famille de la victime, confrontée en direct avec le ou la condamné-e, aura le dernier mot. Une justice très éloignée de notre conception, qui pratique la rudimentaire loi du talion. C’est ainsi que la jeune Myriam, qui a tué son vieux mari par accident, condamnée à être pendue, doit déballer devant des millions de téléspectateurs sa vie intime, et est soumise aux questions d’un animateur qui cherche à faire du sensationnel. Un documentaire qu’elle juge partial et erroné précède le débat. Mais si elle veut vivre elle doit implorer et obtenir le pardon de Mona, fille du défunt. Entre musique sirupeuse, lectures religieuses et publicités pour les entreprises qui sponsorisent l’émission et payeront « le prix du sang » si la barre d‘un certain nombre de texto en faveur de l’accusée est franchie, c’est donc la vie ou la mort de Maryam qui va se décider. La tension est palpable et savamment entretenue dans le film qui passe du plateau au décor clinquant rouge et or, aux coulisses du film où se joue une autre tension, notamment entre Maryam et sa mère, manipulatrice et directive, et un coup de théâtre qui va décider de la suite de l’émission.
Dans ce face à face s’affrontent deux classes sociales : Mona, élégante bourgeoise, riche héritière, et Maryam, fille de chauffeur, simple et humble épouse temporaire (mariage particulier qui l’exclut, elle et sa descendance, de toute prétention à l’héritage), ce qui rend l’issue de l’affrontement encore plus incertain. Pour le producteur peu scrupuleux qui se vautre dans le malheur des gens, c’est le sel de l’émission qui va ainsi attiser l’attention du public. Et de fait, Mona est particulièrement méprisante à l’égard de Maryam, ce qui rend l’issue de l’émission très improbable et augmente l’audience.
Tout au long du film le réalisateur entretient savamment un suspens à la limite du tolérable, grâce à une mise en scène dynamique qui capte au plus près l’émotion des interprètes. Un film intéressant qu’il faut voir, qui joue habilement avec toutes les composantes d’une société enfermée dans des coutumes d’un autre âge.