ADN

Enfin ! Nous pouvons aller au cinéma, dans la magie feutrée des salles sombres, voir un film sur un grand écran, en apprécier tout le travail sur la lumière, les couleurs, la photographie, et même sur la mise en scène tant le petit écran peut être réducteur (et destructeur) pour les films de qualité. N’hésitez pas à vous offrir ce plaisir !

Autrice : Maïwenn Le Besco, généralement dite Maïwenn, née en 1976 est une actrice, scénariste, et réalisatrice française. Elle commence sa carrière en tant qu’actrice dès son enfance, en utilisant d’abord son nom de famille, puis son seul prénom à partir de 1991. Maïwenn naît d’une mère franco-algérienne, actrice, et d’un père breton d’origine vietnamienne. Son grand-père algérien a fait la guerre d’Algérie du côté du FLN, a été chargé de l’émigration au Ministère du travail de 1965 à 1972, puis au Ministère des anciens Moudjahidines jusqu’en 1975. Elle prend des cours de théâtre et se lance dans l’écriture d’un spectacle autobiographique sur sa mère Le Pois chiche (2003).  Elle commence une carrière d’actrice et parallèlement réalise ses propres films, Pardonnez-moi (2006) film autobiographique cité aux Césars, Prix des jeunes talents 2007, Le bal des actrices (2009), Prix Henri-Langlois de la révélation 2009, Polisse (2011), prix du jury au Festival de Cannes 2011, Mon Roi (2015), sélection officielle au Festival de Cannes 2015, ADN (2020), sélection officielle du Festival de Cannes en 2020, Lumière de la meilleure mise en scène 2021.

Interprètes : Maïwenn (Neige) ; Omar Marwan (Emir, le grand-père) ; Fanny Ardent (La mère) ; Louis Garrel (un ami) ; Dylan Robert (un fils) ; Marine Vacth (la petite sœur) ; Alain Françon (le père).

Résumé : Neige, divorcée et mère de trois enfants, rend régulièrement visite à Émir, son grand-père algérien qui vit désormais en maison de retraite. Elle adore et admire ce pilier de la famille, qui l’a élevée et surtout protégée de la toxicité de ses parents. Les rapports entre les nombreux membres de la famille sont compliqués et les rancœurs nombreuses… Heureusement Neige peut compter sur le soutien et l’humour de François, son ex. La mort du grand-père va déclencher une tempête familiale et une profonde crise identitaire chez Neige. Dès lors elle va vouloir comprendre et connaître son ADN.

Analyse : Je ne procèderai pas comme à l’accoutumée. Vous l’avez constaté, je ne partage avec vous que mon enthousiasme pour les films que j’ai aimé.

ADN est un film très personnel, donc clivant. Comme l’est la réalisatrice elle-même. On l’aime ou elle agace, pour le moins ! La critique dans l’ensemble a encensé ce film, sauf quelques critiques assassines (dans Libé notamment). Je procèderai donc en vous donnant le pour et le contre. Vous devinerez peut-être ma propre opinion.

Pour : Maïwenn a réalisé un film bouleversant sur la famille, sur la violence d’un deuil, sur la recherche de ses origines, de son identité et l’apaisement de trouver sa place. C’est une histoire intime, violente souvent, drôle parfois, et surtout très touchante. Il se dégage de ce film une telle sincérité que c’est nécessairement sa propre histoire que nous raconte la réalisatrice. « Je me sers d’éléments, de choses que j’ai vues, qui m’ont touchée, qui m’ont fait rire ou qui m’ont révoltée » dit-elle, même si elle y a ajouté une part de fiction. Son énergie vitale, sa mise en scène rapide, dynamique, nous aident à accepter un thème banal, les disfonctionnements familiaux. On échange beaucoup, on hurle de rage, on rit, on règle des comptes ; les anciennes rancœurs surgissent, mais Maïwenn arrive à canaliser cette cacophonie pour arriver, dans la seconde partie du film à une grande paix intérieure. Le film est alors plus apaisé, la lumière plus douce, celle des rives de la Méditerranée, celle de l’Algérie retrouvée au fond d’elle-même.

Contre : Quel pathos ! comme Maïwenn en a le secret ! Dans sa volonté de dynamisme et de rapidité rien n’est approfondi, tout reste à la surface des cris, des vacheries qu’on se balance, des hurlements. La question algérienne est vue à travers la focale exclusive de tout le film, Maïwenn la seule et l’unique. Chacun en fait des tonnes et Maïwenn en particulier. La scène du deuil n’en finit pas. Malgré quelques moments touchants ou drôles, on est gêné par l’exhibitionnisme de la réalisatrice qui se vautre dans son deuil avec ostentation ; elle va se coucher dans le lit du mort, mettre le pyjama dans lequel il est mort, serrer dans ses bras l’urne mortuaire en bonne place dans sa chambre. On a envie de dire trop c’est trop ! Le narcissisme de la réalisatrice lui tient lieu de dramaturgie, les hurlements de ressort émotionnel. Les autres personnages semblent être des faire-valoir et on ne comprend pas toujours très bien qui ils sont et quel rôle ils ont exactement dans sa vie. L’affiche du film est à cet égard très signifiante, elle seule dans la lumière, les autres dans l’ombre, quasi flous !

Sa prétention à vouloir que les spectatrices et les spectateurs s’interrogent sur l’apport de leurs origines dans leur vie au quotidien reste vaine car c’est l’histoire d’une famille qui se déchire, s’embrasse puis se repousse ; un conflit familial que la réalisatrice semble rejouer pour elle-même et qu’on abandonne à la fin du film sans regrets. 

« Est-ce que quand ne sait plus où on va, il faut retourner d’où l’on vient ? Certainement, si le « où l’on va » est ce torrent de confusion perso où chemine un scénario consternant, et le « d’où l’on vient », le hall du cinéma où s’enfuir à reculons de toute urgence, pour regagner ses pénates – de toute façon, y a couvre-feu. » (Sandra Onana in Libération, 27 octobre 2020).

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