Autrice : Charlène Favier, née en 1985, est une réalisatrice, scénariste, productrice française. Après une enfance à Val d’Isère et plusieurs années à l’étranger, elle a suivi une formation au jeu d’acteur et à la mise en scène à l’école Jacques Le Coq à Londres, à la direction d’acteur à New York avec Lenore Dekoven et à l’écriture de scénario à la FEMIS, dont elle est diplômée en 2015. Elle a fondé, à l’âge de 24 ans, sa propre société, Charlie Bus Production, dont elle est la directrice artistique des films qu’elle produit avec Didier BALLIVET. Parallèlement, elle écrit, réalise et produit plusieurs courts métrages et documentaires, tels que Free Fall (2012), Omessa (2015) , et Odol Gorri, nominé au César 2020 du meilleur court métrage. Slalom est son premier long métrage sélectionné à Cannes 2020.
Interprètes : Noée Abita (Lys) ; Jérémie Renier (Fred, l’entraineur) ; Marie Denarnaud (Lilou, la femme de Fred) ; Maïra Schmitt (Justine, l’amie de Lys).
Résumé : Lyz, 15 ans, vient d’intégrer une prestigieuse section ski-études du lycée de Bourg-Saint-Maurice. Fred, ex-champion et désormais entraîneur, décide de tout miser sur sa nouvelle recrue. Galvanisée par son soutien, Lyz s’investit à corps perdu, physiquement et émotionnellement. Elle enchaîne les succès mais bascule rapidement sous l’emprise de Fred.
Analyse : Dans le contexte actuel de #MeToo, sur un sujet périlleux dont la presse parle et reparle, Charlène Favier a réussi un film plein de pudeur, de sensibilité et de délicatesse. Elle suit pas à pas cette adolescente et révèle avec finesse, subtilité et intelligence les mécanismes de l’emprise que peut exercer un adulte sur une jeune dont il détient la clé de la réussite. Sans voyeurisme ni manichéisme elle trace les contours flous du consentement. La réalisatrice a puisé, parait-il, dans sa propre expérience de sportive et sait probablement de quoi elle parle. La réussite de ce film tient dans le fait que Charlène Favier n’a pas éludé la complexité des personnages et des situations. Fred n’est pas un prédateur salaud à l’affût de sa proie. La réalisatrice le montre dans son milieu familial, rassurant pour tout le monde. Il est fasciné par le talent de cette jeune adolescente qui peut devenir la championne qu’il n’a pas pu rester. Il contrôle tout, son alimentation, sa silhouette, son poids, jusqu’aux effets de ses règles sur sa pratique sportive et la prend d’autant plus volontiers en charge qu’elle réussit et comble ses attentes. De son côté Lyz est flattée par l’attention qu’il lui porte et fascinée par la volonté qu’il manifeste à faire d’elle une championne. Elle est en admiration totale. Elle s’en remet d’autant plus à lui que son père est absent et sa mère défaillante. On voit le regard de Fred changer progressivement sur cette femme en devenir. La fascination qu’elle éprouve pour lui l’amène à penser qu’elle est amoureuse de lui et donc qu’il peut satisfaire sa pulsion. Même après un premier dérapage de Fred elle lui fera part à deux reprises de sa crainte qu’il ne l’abandonne. Et lorsque Fred pour la seconde fois franchit le pas et lui impose un viol, elle ne se défend pas ; ce qui ne veut pas dire qu’elle est consentante. La réalisatrice, et l’actrice, montrent parfaitement la sidération de l’adolescente qui ne dit rien, mais attend que cela passe, comme si elle n’était pas concernée. Contrairement à l’adage juridique « qui ne dit mot consent », il est clair dans ces circonstances que « qui ne dit mot ne consent pas ». Après cette souillure Lyz change, s’enferme davantage sur sa douleur sourde même si elle continue l’entrainement intensif et devient championne, jusqu’à cet acte de résilience magnifiquement amené par un « non ».
Dans ce premier film la réalisatrice montre non seulement qu’elle maîtrise parfaitement son sujet mais qu’elle sait faire du cinéma. Le décor des montagnes est superbement utilisé, grandiose et oppressant. Les scènes de descentes sont filmées au plus près avec talent et une bande son impeccable. La réalisatrice utilise également les couleurs en jouant sur les contrastes du rouge et du bleu. Un film réussi également grâce à l’intensité du jeu de la jeune Noée Abita et au talent de Jérémie Renier.