Auteur : Ryūsuke Hamaguchi, né en 1978, cinéaste du mouvement et de l’intime, est un réalisateur et scénariste japonais. Il a réalisé de 2007 à 2013 sept films dont aucun n’a été distribué en France. Il réalise en 2015 Senses long métrage de cinq heures, primé en 2015 au festival de Locarno, sous le titre de Happy Hour. Son film, Asako I & II a été sélectionné à Cannes en 2018. En 2021 il a obtenu l’Ours d’argent à Berlin pour Contes du hasard et autres fantaisies et le Prix du scénario à Cannes pour Drive my car
Interprètes : Hidetoshi Nishijima (Yûsuke Kafutu); Toko Miura (Misaki Watari).
Résumé : Alors qu’il n’arrive toujours pas à se remettre de la mort de sa femme, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu’on lui a assignée comme chauffeure. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé.
Analyse: Drive My Car a été une des pépites du dernier festival de Cannes. On y retrouve la quête esthétique qui anime le cinéaste depuis ses débuts, l’importance de l’échange, de la parole qui permet d’atteindre la vérité au plus près. Kafutu accepte de monter Oncle Vania car il a déjà tenu le rôle d’oncle Vania ; dans sa voiture il écoute avec nostalgie une cassette enregistrée par sa femme qui lui donne la réplique pour lui faire réviser son texte. Pour monter sa pièce il a imaginé d’engager une troupe d’acteurs panasiatiques qui parleront chacun dans leur langue. Hamaguchi y exprime tout son intérêt pour les questions de communication par le langage. Chacun doit se comprendre au-delà de la barrière de la langue. « Travailler avec des partenaires dont on ne comprend pas les mots demande une plus grande disponibilité, une plus grande attention à l’autre, une écoute bien supérieure. Cela permet, à mon sens, d’obtenir le meilleur des comédiens. »
Malgré sa grande réticence, les organisateurs du festival imposent à Kafutu une voiture avec chauffeur. Il réussit à imposer la sienne, une Saab rouge, dans laquelle nous allons passer de longs moments, mais doit céder pour la conduite. On lui assigne comme chauffeure Misaki, une jeune femme très réservée. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige chacun à faire face à leur passé, au sentiment de culpabilité qui les anime pour ne pas avoir été présents quand il le fallait. Le cinéaste revendique l’influence de Rohmer, de John Cassavetes ou de Kurosawa. Autour des thèmes du deuil d’une femme, d’un enfant, d’un amour, de la culpabilité, de la communication des souffrances, Hamaguchi met en scène un film tout en délicatesse et étrangeté qui plonge au plus profond des souffrances des personnages. C’est une histoire longue, quasiment trois heures, un long voyage dans l’habitacle intime d’une voiture, avec l’écho du si beau et si profond texte de Tchekhov où deux cabossés de la vie se rapprochent pour continuer à vivre. Un très beau film qui aurait mérité mieux qu’un Prix du scénario. Il a obtenu également le Prix du jury Œcuménique, le Prix Fipresci de la presse internationale et le Prix AFCAE (Association Française des Cinémas d’Art & Essai).