Après l’exposition de l’extraordinaire collectionneur et visionnaire russe, Sergueï Chtchoukine (1854-1936), du 22 octobre 2016 au 05 mars 2017 (Voir la fiche du 3 novembre 2016), la Fondation Vuitton, au Bois de Boulogne à Paris, continue son dytique sur Les Icônes de l’art moderne en présentant la collection des frères Morozov (du 22 septembre 2021 au 22 février 2022). Mikhail et Ivan Morosov sont nés respectivement en 1870 et 1871. Leur arrière-grand-père était un serf qui, affranchi, avait lancé une fabrique de rubans, transformée à la fin du XIXe siècle en plusieurs usines textiles prospères.
Les deux frères grandirent dans un environnement cultivé, progressiste, plébiscitant le théâtre, la littérature et la peinture. Durant leur adolescence ils fréquentent les peintres russes les plus importants de leur temps. Ils vont par la suite s’entourer de conseillers artistiques tels les peintres Konstantine Korovine ou Valentin Serov qui les aideront à constituer leur collection. Mikhaïl, l’aîné, une personnalité haute en couleur, francophile et francophone, auteur de critiques de théâtre (et d’un roman érotique sous pseudo qui fit scandale), commence à collectionner l’art contemporain de son époque. Dès la fin des années 1890 Manet, Corot, Monet, Toulouse-Lautrec, Degas, Bonnard, Denis, Gauguin et Van Gogh voisinent dans sa collection. Il ose acheter des nus, ce qui est très mal perçu dans son milieu assez puritain. Fêtard, bon vivant, il meurt en 1903, à l’âge de 33 ans, en ayant toutefois réuni 39 œuvres françaises et 44 russes. Sa veuve en fera don à la Galerie Trétiakov en 1910. Son frère Ivan, à la tête des entreprises familiales, plus pondéré et moins flamboyant, collectionne à son tour : il amasse jusqu’à la Première Guerre mondiale 240 œuvres françaises et 430 russes, signées Renoir, Picasso, Gauguin, Matisse, Bonnard ou Cézanne, et Repine, Vroubel ou encore Gontcharova (la seule femme figurant dans cette collection). Il fait réaliser par Maurice Denis des décorations monumentales du Salon de musique, et par Bonnard de l’escalier d’honneur de son hôtel moscovite. Cette collection sera nationalisée en 1918, après la révolution russe. Ivan Morozov s’exilera et mourra peu après, en 1921, à l’âge de 49 ans, en Allemagne.
La collection sera réunie en 1928 à la collection Chtchoukine. Elle connaitra bien des vicissitudes : décrochages partiels et même vente de certains tableaux aux États-Unis, interdictions successives de présentation de certaines œuvres pour des raisons idéologiques, déménagement temporaire à Novossibirsk. Il faudra attendre la politique du Dégel dans les années 50 pour que les œuvres impressionnistes, fauves et cubistes soient progressivement présentées au public.
Si vous en avez la possibilité ne ratez pas cette magnifique exposition d’œuvres majeures de la peinture française, Cézanne, Gauguin, Van Gogh, Renoir, Monet, Bonnard, Denis, Matisse, Derain, (un magnifique Picasso, Les deux saltimbanques, de 1901), aux côtés d’importants artistes russes tels que Vroubel, Malevitch, Repine, Larionov, Serov, présentée pour la première fois hors de Russie.
Un conseil : prenez vos places par Internet, en retenant de préférence les horaires du matin et en évitant si possible les vacances scolaires. En arrivant à la Fondation, passez par le jardin d’acclimatation, contournez le bassin et prenez l’entrée qui est à l’opposé de l’entrée principale. Ce sera plus facile.