Auteur : Abdallah Al-Khatib, âgé aujourd’hui de 34 ans, né à Yarmouk, est directeur de la photographie, réalisateur et scénariste palestinien. Little Palestine, Journal d’un siège, est son premier et seul long métrage à ce jour. Il était étudiant en sociologie à l’université de Damas avant le siège de Yarmouk. Il vit exilé en Allemagne.
Résumé : Suite à la révolution syrienne, le régime de Bachar Al-Assad assiège le quartier de Yarmouk (banlieue de Damas en Syrie), qui se retrouve alors isolé. Le réalisateur témoigne des privations quotidiennes, tout en rendant hommage au courage des enfants et des habitants du quartier. Malgré les bombardements de l’armée syrienne, malgré le chaos, ces Palestiniens, jeunes comme plus âgés, refusent la défaite, et continuent de se battre et de vivre malgré tout, démontrant leur courage et leur détermination…
Analyse : Nous sommes entre 2013 et 2015 pendant le siège de Yarmouk, une banlieue de Damas, considérée comme le plus grand camp palestinien au monde avec ses plus de 100 000 habitants. Une terre offerte aux Palestiniens en 1957 par l’ONU. Pendant la guerre civile syrienne, soupçonnant un repère d’opposants, Bachar al-Assad fait assiéger la ville, empêchant, même par l’aide internationale, tout ravitaillement de la population qui se trouve privée de tout, nourriture, médicaments, électricité, pendant près de deux ans. Prise par L’État islamique, elle sera entièrement rasée en 2018. Abdallah Al-Khatib, cinéaste autodidacte, commence à filmer avec une caméra que lui confie un ami qui tente de s’exiler et sera torturé à mort par les militaires du régime. Face à une population affamée, dans laquelle on dénombrera cent quatre-vingt-un morts de faim, réduite à manger leurs animaux domestiques, de l’herbe ou des cactus, il réalise un documentaire militant qui est à la fois un journal intime et familial, un témoignage historique, une œuvre mémorielle. Avec pudeur, en évitant soigneusement les images des morts de la faim ou sous les bombardements incessants, il insiste sur les souffrances de ce peuple assiégé en filmant essentiellement des femmes et des enfants. Comme s’il prenait du recul par rapport aux évènements il s’attarde sur les moments de calme, le sourire ou le rire des enfants, les chants des adultes, tout en mettant l’accent sur la colère et l’exaspération de ce peuple prisonnier. Il vise aussi la cécité ou l’indifférence de la communauté internationale dès les premières séquences où on le voit déchirer sa carte de l’ONU pour laquelle il organisait des activités bénévoles. Des moments pathétiques et terriblement émouvants, comme cette petite fille qui au milieu d’une étendue herbeuse cueille en triant soigneusement du « mouron blanc », plante quelle nous explique être comestible, et qui bravache, nous dit ne pas avoir peur des bombes qu’on entend tomber à proximité. Malgré les conditions effroyables que vit ce peuple, son courage, sa solidarité, sa pulsion de vie, suscitent le respect. Ils partent en foule dense à l‘assaut du barrage mais essuient rapidement les tirs des soldats. Beaucoup y laisseront la vie. Le réalisateur suit sa mère infirmière qui sans relâche soigne et aide les personnes isolées avec ce qu’elle peut trouver de stocks de médicaments.
Al-Khatib scande en voix off un texte très poétique, sorte de manuel de survie adressé à lui-même et aux spectateurs, intitulé Les 40 Règles du siège, où il commente le ressenti des assiégés : « Le siège est une interminable noyade dans le temps » et les longues marches quotidiennes sont un « rituel de survie », un moyen d’occuper d’interminables journées sans but.
Le cinéaste, après l’arrivée de Daech dans le camp a pu s’exiler avec sa mère en Allemagne où il a construit son film.