Auteur : Yohan Manca, né en 1989, se passionne très tôt pour la comédie et intègre le célèbre Cours Florent dans le but de réaliser son rêve. Il fait ses premières armes de comédien au théâtre, brillant notamment dans la pièce Pourquoi mes frères et moi on est parti, de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre. Il poursuit une importante carrière de metteur en scène et d’acteur de théâtre. Il apparaît au cinéma dans Escapada de Sarah Hirtt, puis dans La vérité si je mens ! Les débuts (2019) de Michel Munz et Gérard Bitton. En 2012, il réalise et produit avec Julien Dara son premier court métrage, Le Sac, sélectionné dans de nombreux festivals, notamment à Cannes. Il écrit et réalise son deuxième en 2017, Hédi & Sarah, avec Judith Chemla et Thomas Scimeca. Il va bientôt sortir son 3ème court-métrage, intitulé Red Star où l’on retrouve Judith Chemla. Mes frères et moi, son premier long métrage, a été sélectionné à Cannes 2021 dans la section Un certain regard.
Interprètes : Maël Rouin Berrandou (Nour) ; Judith Chemla (Sarah) ; Dali Benssalah (Abel) ; Sofian Khammes (Mo) ; Moncef Farfar (Hédi).
Résumé : Nour a 14 ans. Il vit dans un quartier populaire au bord de la mer. Il s’apprête à passer un été rythmé par les mésaventures de ses grands frères, la maladie de sa mère et des travaux d’intérêt général. Alors qu’il doit repeindre un couloir de son collège, il rencontre Sarah, une chanteuse lyrique qui anime un cours d’été. Une rencontre qui va lui ouvrir de nouveaux horizons…
Analyse : Yohan Manca s’est librement inspiré de la pièce de théâtre Pourquoi mes frères et moi on est parti… de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre qu’il avait montée et interprétée à 18 ans, pour tourner Mes frères et moi. Quel joli film, juste, intelligent, lumineux ! sur un sujet rebattu, le miracle du transfuge de classe façon Billy Elliot, le réalisateur réussit un film solaire, émouvant, balayant avec humour et tendresse les clichés sur les quartiers défavorisés, tout en mettant un accent très réaliste sur le milieu dans lequel évolue Nour. Il est entouré de ses trois frères, plus vrais que nature, l’ainé, Abel, qui exerce son ascendant et son autorité sans nuances et non sans violence, le second, Mo, plus humain, charmeur qui se prostitue gentiment autour de la piscine de l’hôtel proche, avec un numéro à la Aldo Maccione désopilant, le troisième, Hédi, fougueux, perturbé, violent. Tout ce petit monde vit à la marge, a des revenus dont l’origine n’est pas très claire, et entoure de son affection une mère d’origine maghrébine plongée dans un coma profond. La caméra légère de Yohan Manca, sans misérabilisme ni pathos, les situe dans un pays de soleil, jamais nommé mais qui ressemble fort à la ville de Sète. Certes l’été n’est pas forcément la période des vacances pour le jeune Nour. Condamné à un TIG (travail d’intérêt général), sans doute pour un petit délit qu’il aurait commis, il repeint les murs du collège pendant que ses frères jouent au foot sur la plage. Mais c’est aussi sa chance. Dans le couloir où il manie son pinceau il entend venant d’une salle Una Furtiva Lacrima par Pavarotti. Il tombe sur un cours de chant donné par une professeure bénévole, Sarah, la magnifique et talentueuse actrice et chanteuse lyrique Judith Schemla, pleine d’empathie pour ce petit gamin, qui l’attire dans son cours. On assiste à la naissance d’une passion. L’attrait de Nour pour l’opéra nous avait déjà été suggéré. Rentrant chez lui il positionne des baffles vers la chambre de leur mère et branche Pavarotti. On apprendra que c’est avec l’espoir d’« éveiller » sa mère car leur père, italien, lui faisait la cour en lui chantant le bel canto.
C’est un milieu de gens humbles, où l’on s’entasse dans un petit appartement. L’opéra, le chant lyrique n’est pas du tout dans leur horizon. Le grand frère balaie le désir de Nour de prendre des leçons de chant d’un geste méprisant le qualifiant de « cours de claquettes ». Avec l’aide de sa merveilleuse professeure, il va persévérer, va apprendre à maîtriser son souffle et avec son petit filet de voix va réussir à chanter Una furtiva lacrima. Le film se termine sur La Traviata, jouée et chantée par Judith Chemla, sous le sourire et les yeux fascinés de Nour … et des spectateurs.