Auteur : Kenneth Branagh, né en 1960 dans une modeste famille irlandaise, est un acteur, réalisateur, scénariste, écrivain britannique. Il décide de poursuivre une carrière d’acteur et s’engage dans un cursus d’art dramatique à la prestigieuse Royal Academy of Dramatic Art de Grande-Bretagne, rejoignant à 23 ans la (R.S.C.) Royal Shakespeare Company où il triomphe grâce au rôle d’Henri V. En 1987 le comédien entreprend de fonder sa propre compagnie, Renaissance, qui remporte des succès et lui permet d’adapter, de mettre en scène et d’interpréter au cinéma en 1989 Henry V. Le film remporte un grand succès critique et public, lançant définitivement la carrière cinématographique du comédien et du cinéaste. Au début des années 90, il alterne représentations théâtrales et réalisations cinématographiques. Il y rencontre le succès avec le film noir Dead again (1991), la comédie amère Peter’s Friends (1992) et Beaucoup de bruit pour rien (1993), adaptation de William Shakespeare. Il adapte également Hamlet (1996) sur grand écran dans une fresque épique de quatre heures, et remporte de nombreux prix, sans pour autant délaisser le théâtre. En 2011, il réalise le blockbuster Thor. Suivront notamment les superproductions comme Cendrillon (2015) et Le Crime de l’Orient-Express (2017), Belfast (2021, Golden globe et Oscar) et Mort sur le Nil (2022).
Interprètes : Jude Hill (Buddy), Jamie Dornan (le père), Caitriona Balfe (la mère), Ciaran Hinds (le grand-père), Judie Dench (la grand-mère).
Résumé : En 1969, le jeune Buddy vit heureux avec sa famille dans un quartier ouvrier de Belfast. La haine qui éclate entre catholiques et protestants va bouleverser sa vie.
Analyse : Il est de bon ton de dire que le cinéaste Kenneth Branagh, après une belle période dans les années 90, s’est perdu dans les super productions hollywoodiennes, et que même revenu à un cinéma plus personnel, on ne retrouve pas le charme de ses premières réalisations. Pourtant Belfast est un très beau film, charmant, émouvant, plein d’humour et d’amour, dans lequel le réalisateur fait revivre le Belfast de son enfance au moment des émeutes entre protestants et catholiques en 1969. Le film commence par une vue générale du Belfast actuel, aux couleurs flamboyantes, pendant le générique. Puis, la caméra franchit un mur et on se retrouve dans une rue de la ville en 1969, bordée de petites maisons, dans un somptueux noir et blanc, avec des gamins qui jouent, des voisins qui se saluent, une vie de quartier qui semble joyeuse et apaisée et de magnifiques cadrages qui rappellent des photos d’art. Buddy 9 ans, avatar enfant du cinéaste, joue à la guerre contre des dragons avec une épée en bois et un couvercle de poubelle en bouclier, lorsque son regard se fige devant des émeutiers protestants qui envahissent la rue, jettent des pierres, incendient les maisons des catholiques et des voitures. Sa famille, protestante, ne se solidarisera jamais avec eux. Son père auquel on reprochera sa neutralité, sera considéré comme traitre et finalement ils devront partir. Tout est filmé à hauteur de l’enfant. Malgré la violence dramatique qui l’entoure Buddy n’est pas triste. Comme tous les enfants il sait forger ses moments de bonheur, avec ses camarades, ses petits chapardages chez l’indien du coin, ses moments de tendresse avec un grand-père philosophe, ancien mineur, qui lui donne des leçons de vie et mourra de silicose, et sa grand-mère à la langue bien pendue, merveilleuse Judi Dench. Une famille idéalisée, comme le font les enfants, avec des parents qui sont beaux comme des stars de cinéma ; leur élégance, leur séduction éloignent le film de la simple reconstitution historique. Tout le monde regarde Le train sifflera trois fois, Liberty Valance, ou encore Un million d’années avant Jésus Christ avec Rachel Welsh à la télévision, Chitty Chitty Bang Bang au cinéma. Le bonheur éclate malgré la violence des rues, les disputes des parents, les menaces sur le père. Le tout baigné dans la musique nostalgique de Van Morrison, natif de la ville et légende locale.
Une chronique douce-amère de l’enfance dans laquelle voisinent la douceur de la vie avec les parents, la tendresse des grands parents, la complicité avec les camarades et la violence de la rue. C’est ce qui fait la beauté de ce film tendre, romanesque et émouvant. Un film dédié à ceux qui sont partis, à ceux qui sont restés, à ceux qui ont disparu.