Auteur : Jean-Stéphane Bron, né en 1969 et un réalisateur et scénariste suisse. Il est diplômé de l’École cantonale d’art de Lausanne. Il réalise essentiellement des documentaires, souvent politiques, Connu de nos services (1997), La Bonne Conduite (1999), qui remporte de nombreuses distinctions, Le Génie helvétique(2003), Cleveland contre Wall Street (2010) présenté au festival de Cannes à la Quinzaine des réalisateurs. Il remporte en 2011 le Prix du cinéma suisse pour la seconde fois. Il a récemment tourné L’Opéra (2017), sur les coulisses de l’Opéra de Paris. Il est membre fondateur de la société de production Bande à part Films. Il est membre du collectif 50/50 qui a pour but de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel.
Résumé : Jean-Stéphane Bron nous plonge au cœur de la science d’aujourd’hui, à la découverte des travaux de cinq scientifiques, au croisement entre le cerveau, la conscience et l’intelligence artificielle.
Analyse : Jean-Stéphane Bron suit cinq neuroscientifiques qui explorent un organe essentiel et pourtant en grande partie méconnu, le cerveau. Comment l’étude de ce dernier peut-il aider le développement de l’intelligence artificielle ? Sur la paillasse d’un laboratoire un cerveau frais attend d’être analysé. 1k3, 70 milliards de neurones qui communiquent entre eux par des signaux électriques. Alexandre Pouget, neurologue suisse et son fils, Hadrien, concepteur informatique, échangent sur les possibilités et les limites de l’intelligence artificielle. Le père, dans une approche très radicale, est convaincu que l‘on pourra créer des neurones numériques qui permettront de répliquer l’intelligence et surtout la conscience sur des systèmes artificiels, « ce n’est qu’une question de temps ». Il est persuadé que les machines dépasseront l’homme un jour, tout en trouvant cet avenir « effrayant ». Son fils s’interroge sur les conséquences d’un tel projet, et affirme l’impossibilité de reproduire artificiellement le nombre de neurones du cerveau. Le réalisateur nous emmène ensuite à Seattle où Christof Koch, spécialiste de la conscience, tente de cartographier l’activité électromagnétique du cerveau pour repérer la zone où naissent les émotions, l’empathie, l’amour. Ce dernier mesure avec optimisme l’écart qui nous sépare des machines, et estime qu’il faut poser des limites aux algorithmes en soulevant le problème éthique de leur développement. Entre Munich et Venise, Niels Birbaumer met au point un système de communication entre une machine et le cerveau de malades atteints du syndrome de l’enfermement. Il nous apprend que certaines multinationales, Facebook notamment, mènent des recherches pour étudier la possibilité d’intervenir à distance sur le cerveau humain, perspective glaçante ! A Genève, David Rudrauf programme des robots capables de communiquer entre eux et de s’influencer. Il envisage sereinement la victoire de la machine sur l’homme où dans un univers sans humains, les machines mèneront leur existence propre indépendamment de leur concepteur qui aura disparu et feront même des choses que les humains n’étaient pas capables de faire, comme d’aller dans les galaxies. De la science-fiction appliquée. Dans ce monde d’homme, enfin une femme ! Aude Billard, physicienne suisse, est une chercheuse engagée. Elle travaille sur la robotique, en particulier sur la réplique de la main humaine pour libérer l’homme des tâches les plus pénibles qui lui ont été assignées depuis la nuit des temps. Elle a refusé toutes les propositions des grands multinationales américaines. Sur le rapport homme-machine elle pense que c’est plutôt l’humanité qui a traité des millions d’hommes et de femmes comme des machines, les assignant à des tâches qui n’utilisent pas les capacités de leur cerveau. « On n’utilise pas le cerveau humain pour ce à quoi il est bon », dit-elle.
Jean-Stéphane Bron, comme à son habitude, ne juge pas. Il a l’habileté de nous présenter ces scientifiques, quelque soient leur perspective, comme des êtres éminemment humains. Christof Koch, que l’on voit notamment longuement avec son chien atteint d’un cancer, dont il pleure la disparition ; David Rufrauf s’émeut de sa future paternité devant les images d’une échographie. Aude Billard nous tient un discours plein d’empathie pour l’humanité souffrante qu’elle veut soulager. Dans ce documentaire passionnant le réalisateur n’élude pas pour autant les questions morales et éthiques que pose la recherche en intelligence artificielle. Une aventure fascinante et, à certains égards, terrifiante.