Auteur : né en 1965, Philippe Lanners est un acteur, réalisateur, scénariste, peintre belge. Il se découvre, adolescent, un goût pour la peinture et le cinéma. Plusieurs expositions de tableaux de cet ancien élève de l’Académie des Beaux-Arts liégeoise se montent à la fin des années 80. Parallèlement, il travaille comme accessoiriste et décorateur pour la télévision belge. Apparu au cinéma en 1990 avec le prénom de Bouli il multiplie les seconds rôles dans des films souvent absurdes et poétiques. Co-fondateur du Festival de… Kanne en Belgique (dédié à un cinéma marginal), il ajoute bientôt une nouvelle corde à son arc : auteur de deux courts métrages Travellinck (1999) et Muno (2001), qui ont fait le tour des festivals. Il réalise en 2005 son premier long métrage, Ultranova (présenté à la Berlinale) tout en poursuivant en parallèle sa carrière d’acteur. Il met en scène Eldorado en 2008. Son troisième long-métrage, Les Géants obtient deux prix à la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2011. En 2016, il réalise Les Premiers, les Derniers.
Interprètes : Bouli Lanners (Phil) ; Michelle Farley (Millie)
Résumé : Phil s’est exilé dans une petite communauté presbytérienne sur l’Île de Lewis, au nord de l’Ecosse. Une nuit, il est victime d’une attaque qui lui fait perdre la mémoire. De retour sur l’ile, il retrouve Millie, une femme de la communauté qui s’occupe de lui ; elle prétend qu’ils s’aimaient en secret avant son accident…
Analyse : L’ombre d’un mensonge est un film d’une infinie délicatesse, tout en nuance et pudeur. Pourtant il se déroule dans l’île de Lewis, au large de la côte ouest de l’Écosse dans l’archipel des Hébrides, un bout de terre battu par la pluie et le vent, au paysage sauvage et désolé de landes et de rochers qui se jettent dans la mer. Au sein de cette nature inhospitalière nait cet amour d’une douceur infinie, un amour de la dernière chance. Ils ont tous deux la cinquantaine. Phil a eu un AVC, ce n’est pas le premier ni le dernier lui ont dit les médecins. Il est provisoirement amnésique. Elle, Millie est ce que l’on pourrait appeler une vieille fille, austère comme le paysage de son île et le rigorisme de l’église presbytérienne qui a façonné les mentalités, d’une froideur telle qu’elle a été surnommée la « reine des glaces » par les gens du coin. Et pourtant ! Elle est amoureuse en secret de cet étranger dont ne sait rien, qui travaille comme ouvrier agricole chez son père, gros nounours taiseux, un peu rustre, au corps recouvert de tatouages, qui cache bien une grande timidité. Avec une audace qu’on ne soupçonnait pas elle va profiter de cette amnésie pour lui faire croire qu’ils étaient amants autrefois. Et lui se laisse porter par cette tendresse, s’ouvre très progressivement à cet amour inespéré, sourit à la vie. Un amour sans débordement, empreint d’embarras, de gêne, de retenue, avec la maladresse qu’auraient deux jeunes adolescents. Empreint également d’une douce mélancolie, qui le rend si émouvant.
Pour son cinquième long métrage Bouli Lanners délaisse son monde de marginaux pour réaliser son premier film d’amour. C’est une grande réussite. Il nous dit être un sentimental et s’être totalement retrouvé dans ce film sobre, sensible, subtil, qui ne manque pas de romanesque et qui, de ce point de vue, rappelle le film de Carine Tardieu Les jeunes amants (que j’ai vu trop tardivement pour faire une fiche mais que je vous recommande chaudement si vous avez l’occasion de le voir). Un film touché par la grâce.