Jerzy Skolimowski, né en 1938 donc 84 ans, présente à Cannes son 18ème long métrage, Hi-Han ou EO. C’est un cinéaste, acteur et artiste peintre polonais. Il est considéré comme l’un des grands noms du Nouveau cinéma polonais des années 60. Il commence sa carrière par écrire des poésies et des scénarii ce qui l’emmène à connaître Wajda et Roman Polanski dont il écrit le scénario du premier film, Le couteau dans l’eau. Il réalise son premier film en 1959, à 21 ans. Il a rapidement une carrière internationale et des récompenses, notamment l’Ours d’or au festival de Berlin en 1967 pour Le départ tourné en Belgique. A la suite de la censure d’un de ses films, il travaille à l’étranger, à Londres notamment avec Polanski puis aux États-Unis. Après une pause de 17 ans consacrés essentiellement à la peinture et au métier d’acteur, il revient en Pologne et au cinéma en réalisant Quatre nuits avec Ana en 2008 qui obtient un certain succès.
Hi-Han ou EO est l’histoire d’un petit âne gris qui au départ est un animal de cirque, cajolé par Cassandra avec laquelle il effectue un numéro. Puis sa vie change lorsqu’il est rejeté du cirque polonais par l’interdiction des animaux dans les cirques et commence une vie chaotique rencontrant des joies et des douleurs, de bonnes et de très méchantes personnes, en passant par le palais italien d’une comtesse incarnée par Isabelle Huppert, et finissant à l’abattoir. On pense naturellement au chef d’œuvre de Robert Bresson Au hasard Balthazar de 1966 dont le réalisateur dit que c’est le seul film à l’avoir ému aux larmes. C’est un âne très humain qui manifeste à travers son regard mélancolique, ses états d’âme, qui repense toujours à Cassandra. Le réalisateur s’est livré à une véritable expérimentation cinématographique. Expérimentation des images qui sautent, tournent, sont projetée à l‘envers ou sont rembobinées, une caméra qui semble sortir de ses gonds, qui tournoie avec les pales d’une éolienne ; expérimentation des couleurs, un rouge qui nappe les premières scènes sur un numéro de cirque avec des flashs intermittents, ou qui nappe la forêt, expérimentation des sons stridents, à très fort volume, ce qui frise parfois le désagréable. On comprend que le réalisateur a voulu bousculer le spectateur. Un film intéressant, plein de poésie et d’inventivité qui pourrait bien avoir le prix de la mise en scène.
Le second film que je voudrais vous présenter est Boy from Heaven de Tarik Saleh. Né en 1972 c’est un réalisateur artiste, éditeur, journaliste, producteur suédois d’origine égyptienne. Il commence sa carrière comme artiste de graffiti. Une de ses fresques parmi les premières au monde, est protégée par l’État suédois et reconnue comme un héritage culturel. En 2009, il réalise son premier long métrage de fiction, le film d’animation Metropia, qui obtient de nombreux prix sur le plan international. Après Tommy en 2014 il réalise Le Caire confidentiel qui obtient notamment le Grand Prix du jury au festival de Sundance en 2017.
Adam est un brave fils de pêcheur qui a la surprise de recevoir une bourse pour aller à la prestigieuse université religieuse al-Azhar du Caire. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays. Saleh signe un thriller intense nous faisant pénétrer dans les coulisses du pouvoir égyptien. Un film d’une grande subtilité, avec des dialogues d’une grande finesse où l’on cite volontiers la parole des sages pour convaincre et qui, sans aucun manichéisme, nous montre les luttes de pouvoir entre le gouvernement et les religieux qui peuvent aller jusqu’à l’élimination physiques des gêneurs.