Les films des deux derniers jours étaient très attendus. Hirokasu Kore Eda revient à Cannes, après sa Palme d’or en 2018 pour Une affaire de famille, avec Broker ou Les bonnes étoiles. C’est un réalisateur japonais, né en 1962. Son cinéma, fait de chroniques familiales, évoque avec lucidité et humour le deuil, le mensonge, l’abandon, la culpabilité, la difficulté d’être parents, la solidarité des enfants. Par la grande qualité de ses mises en scène, il est comparé à Ozu ou Tchekov. Sur les quinze longs métrages de fiction qu’il a réalisés sept ont été programmés à Cannes (en Sélection Officielle ou en sélection Un certain regard). Il a obtenu le Prix d’interprétation masculine pour Yuya Yagira à en 2004 pour Nobody Knows, le Prix du jury ainsi que le Prix du jury œcuménique en 2013 pour Tel père, tel fils et, on l’a rappelé, la Palme d’or en 2018. Son film est dans la lignée de ses précédents. Nous sommes en Corée du Sud. Par une nuit pluvieuse, une jeune femme abandonne son bébé. Il est récupéré illégalement par deux hommes, bien décidés à le vendre. La mère réapparait. Ils partent tous dans un périple insolite et inattendu à travers le pays, où l’on réalise que c’est une bande de bras cassés follement sympathique, pleins d’empathie et de tendresse. Ils forment une sorte de famille utopique qui se reconstitue au fil du voyage. Le réalisateur sait parfaitement jouer avec notre humour, nous attendrir par l’humanité de ses personnages, même délinquants, comme dans Une affaire de famille, tout en critiquant les valeurs de notre société actuelle. Un bon Kore-Eda.
Lukas Dhont, né en 1991 est un jeune réalisateur et scénariste belge. Son premier long métrage Girl a été sélectionné dans la section Un certain regard à Cannes 2018 et a obtenu la Caméra d’or et la Queer Palm et le prix FIPRESCI. Close est son second long métrage présenté cette fois en sélection officielle. De nouveau le réalisateur s’intéresse aux tourments de jeunes adolescents. Léo et Rémi, treize ans, sont amis depuis toujours. Ils sont inséparables, dorment respectivement côte à côte chez les parents de l’autre et sont dans la même classe à l’école. Mais le regard des autres camarades va jeter un froid et Leo va se détacher, jusqu’à ce qu’un événement impensable les sépare pour toujours. Avec infiniment de douceur, de grâce et de délicatesse, ce qui n’enlève aucune force au film, dans une mise en scène épurée, le réalisateur explore les affres de l’amitié, du deuil, de la culpabilité chez ces adolescents. Un excellent film. À noter une remarquable interprétation par ces jeunes comédiens.
Kelly Reichardt, née en 1964 est une scénariste et réalisatrice américaine. Elle présente à Cannes cette année Showing up. Elle réalise son premier long métrage, River of Grass en 1989 qui obtient le Prix du grand jury au festival de Sundance. Avec son second film, Old Joy (2006), elle acquiert un début de reconnaissance en Europe. Wendy et Lucy (2008) est sélectionné à Cannes dans la section Un certain regard. Son avant dernier film First Cow (2019) confirme sa prédilection pour un cinéma pastoral. Le Centre Pompidou lui a consacré une rétrospective intégrale. Le film qu’elle présente à Cannes est très différent. La réalisatrice explore ici la vie d’artiste, les tourments de la création. Lizzie est sculptrice, à quelques jours de l’accrochage de son exposition. Elle est en dehors des circuits de l’art, sans soutien particulier, sans mécènes. Elle galère et les problèmes matériels du quotidien qui l’éloignent de sa création s’accumulent. C’est la description d’un milieu d’artistes défavorisés, précaires, portés par la flamme de leurs créations. Un film très attachant.
Léonor Serraille présente le denier film de la compétition : Un petit frère. Née en 1985 c’est une scénariste et réalisatrice française. Formée à la Femis elle réalise son premier long métrage, Jeune femme en 2O17 qui est sélectionné dans la section Un certain regard et obtient la Caméra d’or, ainsi que le Prix du meilleur long métrage français au Champs-Élysées Film Festival. Un Petit frère, son second long métrage, est le destin de Rose et ses deux enfants, Jean et Ernest, qui, venus de Côte d’ivoire, s’installent en France en 1989. La mère tente de s’affirmer comme une femme libre et indépendante, financièrement, socialement et sexuellement. Jean l’ainé est brillant mais, meurtri par la vie de sa mère, il tournera mal et finira par repartir au pays. Ernest vole de ses propres ailes et, se détachant de sa mère, arrive à être professeur de philosophie à Paris. Le thème est intéressant et traité avec sobriété. Toutefois une réalisation qui s’étire, qui manque de nervosité, dessert un film qui pourrait être bon.
Le festival de Cannes se termine. Je n’ai pas pu vous faire part de tous les films de la compétition car je ne les ai pas tous vus ; je ne me risquerai donc pas à faire des pronostics. Mais j’aimerai bien voir au palmarès, parmi ceux dont je vous ai parlé, La femme de Tchaïkovski de Serebrennikov, EO de Skolimovski, RMN de Mangiu, Nostalgia de Marcone, et Showing up de Kelly Reichard. Close y figurera peut-être. Les critiques parlent beaucoup du film de James Gray, Armageddon time que je n’ai malheureusement pas pu voir.
Un grand merci Marie-Jeanne pour tous tes articles de Cannes, que nous avons lus tous les jours avec beaucoup d’intérêt. Nous avons grâce à toi envie de voir plein de films…
Bon retour et vive le prochain festival !