Auteur : née en 1968 Fernando Léon de Aranoa est un réalisateur, et scénariste espagnol. Diplômé en Sciences de l’Image de l’Université Complutense de Madrid, il débute comme scénariste. En 1996, il écrit et réalise son premier long métrage Famila qui obtient le Goya 1998 du Meilleur réalisateur révélation, est primé au festival de Valladolid et dans de nombreux autres festivals. En 1998 il signe Barrio sur l’un de ses scénarios, qui est à nouveau remarqué lors de la cérémonie des Goyas 1999 avec deux prix (Meilleur réalisateur et Meilleur scénario original) après avoir été présenté au Festival de Sundance. Son troisième long métrage (2002), Les Lundis au soleil est sur le monde du travail, lauréat de cinq Goyas 2003, dont ceux de Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleur acteur pour Bardem. Ce film lui a permis de se faire connaître mondialement. Il réalise d’autres courts et longs métrages, dont certains dans la veine de Les Lundis au soleil, comme Amador (2010). Il filme également les humanitaires, Caminantes (2001), Invisibles (2007) ou A perfect Day (Un jour comme un autre, 2016). Après un tour dans le monde de la drogue (Escobar 2017), il réalise El buen patrón (2021) qui a été couvert de six Goyas (les Césars espagnols), dont Meilleur film, Meilleur réalisateur, Meilleur scénario original, Meilleur acteur pour Javier Bardem.
Interprètes : Javier Bardem (Blanco) ; Manolo Solo (Miralles) ; Almudena Amor (Liliana).
Résumé : A la veille de recevoir un prix censé honorer son entreprise, Juan Blanco, héritier de l’ancestrale fabrique familiale de balances, doit d’urgence sauver la boîte : Un ex-employé viré qui proteste bruyamment et campe devant l’usine…Un contremaître qui met en danger la production parce que sa femme le trompe…Une stagiaire irrésistible…Il s’y attelle, à sa manière, paternaliste et autoritaire : en bon patron ?
Analyse : C’est une tragi-comédie satirique au vitriol du monde de l’entreprise à travers la semaine d’un patron d’usine. Blanco, incarné par le superbe Javier Bardem, dirige une entreprise d’instruments de pesage du même nom dont il a hérité et qu’il a fait fructifier au point de devenir une des entreprises importantes de sa province espagnole. Un mur intérieur de sa résidence est tapissé des différents trophées qu’il a reçus. Et justement, il attend d’un jour à l’autre les inspecteurs qui doivent venir pour décerner le prix d’excellence à la meilleure entreprise de la région, avec un gros chèque à l’appui. Il harangue donc ses employés, dans un discours qui d’emblée transpire un paternalisme poisseux… il n’a pas d’enfant, il n’a pas voulu en avoir car ses enfants sont ses employés… il sacrifiera tout pour eux, leur bien-être… il les protège, il est à leur disposition, il peut tout entendre et prêt à régler tous leurs problèmes dont ils doivent lui parler etc… etc… Le ton est patelin, faussement sincère, avec l’empathie de celui qui se met à la portée de ses « enfants ». Mais rien ne va tout à fait comme prévu. Tandis qu’il fait son discours lénifiant on entend des bruits de voix violents de quelqu’un que l’on fait sortir de force. C’est le comptable qu’il a licencié et qui est venu avec ses enfants pour demander des explications. Le même qui campera devant l’usine toute la semaine avec banderoles et mégaphone, l’insultant à longueur de journée. Ça fait vraiment désordre ! et les inspecteurs qui doivent arriver… Mais ce n’est pas le seul grain de sable. Un employé, ami d’enfance du patron, Miralles, perturbé par les infidélités de sa femme, sème le foutoir dans la production. Certes, le patron est disponible, prêt à les aider tous, quitte à se mêler de leur vie privée, mais on devine chez lui une hypocrisie crasse car son seul but est son bien-être et l’argent qu’il pourra tirer de cette énième récompense. Bien sûr pour achever le tableau il pratique, en bon macho qu’il est, son droit de cuissage auprès des nouvelles stagiaires de l’entreprise, dont la jeune Liliana. Mais il sera pris à son propre piège.
Avec humour et dérision, dans une mise en scène dynamique et précise, le réalisateur montre la souffrance et la violence du monde du travail, le management faussement proche mais dictatorial, la précarité qu’il peut provoquer, les rivalités toxiques. Ce patron est présenté pour ce qu’il est, sans foi ni loi, totalement amoral, manipulateur, d’un cynisme magistral, un ignoble capable du pire. Au fil des jours égrenés de la semaine, la tragédie va se nouer et la véritable nature de ce si bon patron se révéler. Javier Bardem excelle à développer toutes les nuances du personnage, dans un de ses meilleur rôle qui donne au film tout son attrait.