Auteur : Vittorio de Seta (1923-2011) est un réalisateur et scénariste italien né en Sicile. Après des études d’architecture, il devient l’assistant du réalisateur français Jean-Paul Le Chanois. À partir de 1954 il tourne une série de documentaires (douze au total) dans l’extrême sud italien, Calabre, Sicile, Sardaigne, à caractère ethnographique non dénués d’inspiration poétique. Pasolini l’appelait le «Poète de la réalité». Son premier long métrage, Bandits à Orgosolo (1961) a été Prix du meilleur premier film à la Mostra de Venise en 1961. Il ressort aujourd’hui en version restaurée. Ses films suivants manifestent un intérêt pour la psychanalyse. Son ultime long métrage – il en réalisera six au total – Lettere dal Sahara (2006), témoigne, au fil de son œuvre, d’une volonté documentaire permanente.
Interprètes : Les bergers d’Orgosolo
Résumé : Après avoir été accusé à tort d’un vol de cochons et du meurtre d’un carabinier Michele, un berger, doit fuir avec son petit frère, Giuseppe. Méfiant envers les représentants de l’autorité, il ne souhaite ni s’innocenter ni se rendre. Il fuit dans la montagne en compagnie de son frère et de ses bêtes qu’il ne se résigne pas à abandonner.
Analyse : Dans la veine du néoréalisme italien Vittorio de Seta nous fait vivre la vie de bergers sardes dans les terres âpres, rocailleuses, arides du Supramonte, dans la région de la Barbagia, plus précisément dans le village et les environs d’Orgosolo. Issu de deux précédents courts-métrages, Bergers d’Orgosolo et Une journée en Barbagie (1958), le premier film de fiction du réalisateur met en scène les vrais bergers du lieu. Ils sont taiseux, rudes avec eux-mêmes et leur entourage, avec les bêtes, à l’image des paysages dans lesquels ils évoluent. Nous sommes dans les années 60 et à nos yeux d’aujourd’hui c’est un vrai voyage ethnographique dans le temps. Un film dans un noir et blanc contrasté, somptueux, avec un sens du cadrage virtuose, passant de plans larges sur des paysages d’une sombre, terrible et désespérante beauté, à de gros plans sur les visages, en pleine lumière ou en clair-obscur. Le réalisateur nous dépeint sans lyrisme ni romantisme déplacé les gestes du quotidien austère de ce berger, la surveillance du troupeau de moutons, la brebis égarée que l‘on recherche, que l’on soigne sans douceur, la traite, le fromage bien crémeux fabriqué dans la bergerie. Les premières images sont époustouflantes. Dans un long travelling latéral la caméra suit une chasse au chevreuil et particulièrement la course effrénée d’une meute de chiens et des hommes dans un relief escarpé sur une longue distance. C’est tellement vif et rapide qu’on a une impression de vertige. Michele, le héros du film a réussi à grand peine à passer de simple garçon de ferme à propriétaire d’un troupeau de brebis qu’il n’a pas fini de payer. Sa dignité l’empêche d’accepter l‘injustice qui s’abat sur lui. Il se condamne alors à prendre le maquis avec son petit frère et son troupeau. Dès lors le film devient l’histoire d’une cavale, dans les parties les plus ingrates de la montagne, la caméra talonnant au plus près les pas du fuyard. Terre d’insoumission, comme d’autres îles voisines de cette Méditerranée, où face à un système politique et social qui maintenait les plus pauvres dans leur condition misérable pour protéger le bon droit des propriétaires, les gendarmes, les carabinieri, étaient des ennemis. Le seul choix était alors de devenir bandit. Qui sont les bandits ?