Auteur : José Luis López-Linares, né en 1955, est un directeur de la photographie, réalisateur et producteur espagnol. Il a commencé sa carrière au cinéma comme directeur de la photographie avec de nombreux metteurs en scène, dont Carlos Saura. Il a réalisé une dizaine de documentaires. Ami de longue date de Jean-Claude Carrière il s’est intéressé à la peinture, Le mystère de Jérome Bosch (2016), Goya, Le sommeil de la raison (2019) et au cinéma, A propósito de Buñuel (2000).
Jean-Claude Carrière (1931-2021) est un écrivain, scénariste, parolier, metteur en scène et acteur français bien connu du public. Il a beaucoup travaillé pour le cinéma ; il est l’auteur d’un très grand nombre de scénarios en particulier pour Luis Buñuel, Milos Forman fasciné comme lui par Goya (Les Fantômes de Goya, 2005) ou Jacques Deray.
Résumé : Amoureux des arts et fin connaisseur de Goya, Jean-Claude Carrière nous guide dans son œuvre incomparable et nous montre à quel point l’œuvre de Goya est influente.
Analyse : C’est un film très émouvant, nous qui savons que c’est le dernier voyage de Jean-Claude Carrière vers l’Espagne pour nous faire découvrir Goya qui l’a hanté toute sa vie (il est mort quelques mois après le tournage). On retrouve sa voie grave, son phrasé si particulier, son œil plein de malice et d’intelligence. On l’accompagne dans les musées, les chapelles aux murs et plafonds entièrement peints par Goya, dans le village et la maison natale du peintre de la fin du XVIIIè siècle. On a beau connaître les œuvres du maître mais les découvrir avec le regard de Jean-Claude Carrière est un vrai bonheur pour l’intelligence et l’esprit. Il fait le parallèle entre Buñuel dont il a été l’ami et le scénariste pendant plus de trente ans, et le peintre, tous deux aragonais, qui tous deux finirent leur vie totalement sourds. Avec son immense culture et sa curiosité toujours aiguisée, il nous présente l’œuvre assez complète du peintre : les tableaux, des grands de la Cour comme du petit peuple, de nombreuses gravures, des lithographies, des dessins, des fresques. En fin connaisseur il nous fait réaliser à quel point la création du peintre est d’une diversité éblouissante. Des personnages calmes et enrubannés, aux gens du peuple dans leur misère, leurs souffrances et leur petite condition, aux malheurs de la guerre. Son gout également pour le rêve, voire le cauchemar avec des scènes terrifiantes qui préfigurent ce que sera le surréalisme et dont Buñuel a bien pu s’inspirer. Il fait intervenir des amis qui jettent un autre regard intéressant sur l’œuvre du peintre, Julian Schnabel, Carlos Saura ou l’astrophysicien Michel Carré.
Un moment particulièrement émouvant lorsque devant les deux tableaux de la Maja nue et la Maja habillée, il dialogue avec elle. Le regard lascif de la jeune femme semble lui dire « Qu’est-ce que tu attends ? ». Une vieille connaissance qu’il a rencontrée quand il était jeune homme, il y a donc déjà longtemps. Lui a vieilli, mais elle, par la magie de l’art, est restée jeune. On le voit lui parler avec nostalgie, comme s’il pressentait que c’est la dernière fois. Un adieu sensible et déchirant.
Laissez-vous aller avec ce guide exceptionnel, généreux, souriant, malicieux, plein d’esprit, qui vous fera entrer dans l’œuvre d’un grand peintre, qui vous la fera découvrir autrement, même si vous la connaissez parfaitement. Un grand moment d’intelligence et de culture.