Auteurs : Né en France en 1969, Éric Warin est diplômé́ de l’École des Beaux-Arts de Nantes. Arrivé à Montréal en 1999, il participe à la conception du film d’animation très récompensé́ Les Triplettes de Belleville de Sylvain Chomet. Pour ce film, il est responsable de la création de quelque 400 personnages dans la séquence du tour de France. Il entre ensuite dans l’univers du jeu vidéo et crée pour UbiSoft notamment les personnages principaux de Prince of Persia. Depuis 2003, il est Directeur Artistique pour la compagnie de jeux A2M, où il est responsable de l’esthétique des jeux. Il réalise également en 2009 uncourt métrage d’animation 3D Alex et les Fantômes (inspiré de sa collection de peintures sur le Hock. Il réalise un autre film d’animation, Ballerina (2016). Il est également artiste peintre, exposé de Montréal à Paris. Tahar Rana a réalisé des films d’animation, Welcome to the Wayne (2017) et Momolu and friends (2022). Charlotte est son troisième.
Résumé : Ce film d’animation relate la vie de Charlotte Salomon, jeune artiste juive victime de la barbarie nazie.
Analyse : Un film animé particulièrement émouvant sur la courte vie d’une talentueuse artiste, déportée et morte en camp de concentration. Ce film a été construit à partir de l’œuvre monumentale de Charlotte, Leben ? Oder Theater ? (La vie ? Ou du théâtre ?), premier roman graphique de l’histoire, riche de quelques 1325 gouaches et aquarelles autobiographiques réalisées en à peine dix-huit mois. Le film est un long flash-back. Les premières scènes montrent Charlotte qui confie à un ami, peu de temps avant son arrestation, une valise pleine de ses œuvres. « Prenez-en bien soin, je vous en prie, c’est toute ma vie » lui dit-elle ; et devant l’étonnement de l’homme du si grand nombre de peintures elle répond « Il n’y a plus beaucoup de temps, je devais faire vite ». A partir de cette autobiographie David Foenkinos nous avait déjà fait connaitre l’histoire de Charlotte avec son best-seller Charlotte, en 2014. Le film débute en 1933 à Berlin pour se terminer en 1942 sur la Côte d’Azur. Les auteurs sont restés au plus près du roman graphique de Charlotte et ont pu réaliser leur film grâce à la ténacité de la productrice canadienne Julia Rosenberg (« Puisque Charlotte avait dessiné l’histoire de sa vie, il fallait donc que je produise un film d’animation, le film dessiné de l’histoire de sa vie. »). Avec un dessin élégant et une palette aux couleurs chaudes et douces, très proches de la tonalité des œuvres expressionnistes de l’artiste, ils ont avec respect et admiration, mêlé au récit de nombreuses vues des toiles de l’artiste. Charlotte Salomon est née à Berlin en 1912. Elle vit auprès d’un père médecin, très aimant, et de sa belle-mère, une célèbre cantatrice. Personne ne s’oppose à sa vocation qui nait très tôt. Elle essaie de mener avec difficulté une carrière artistique dans une société d’hommes peu habituée à faire de la place aux femmes, particulièrement dans ce domaine. Bien que juive elle arrive à intégrer en 1936 l’Académie des Beaux-Arts de Berlin, pourtant interdite aux étudiants juifs. Mais elle finit par en être chassée et la violence de la Nuit de Cristal pousse sa famille à l‘envoyer en France, à Villefranche-sur-Mer où elle rejoint ses grands-parents hébergés dans la belle propriété d’Ottilie Moore, une Américaine fortunée qui protège plusieurs familles juives. Bien qu’elle s’ouvre à la vie dans une relative liberté, on découvre un être tourmenté. Certes par la violence qui s’abat sur ses origines, mais aussi par sa peur d’être victime de la folie suicidaire des femmes de sa famille. Avec pudeur les réalisateurs nous montrent également sa vie amoureuse avec ses ombres et ses lumières. Un film plein d’émotion, de délicatesse et d’une infinie sensibilité qui brosse le destin tragique de cette artiste assassinée à Auschwitz à l’âge de vingt-six ans. Un film à voir, absolument.