Auteur : Lukas Dhont, né en 1991, est un réalisateur et scénariste belge. Il rêve de devenir danseur durant l’enfance mais c’est vers la réalisation qu’il se tourne lors de ses études supérieures. Diplômé de l’Académie royale des beaux-arts de Gand en Belgique, il signe ses premiers courts-métrages dès 2012 et se fait notamment remarquer avec Corps perdu et L’Infini, deux œuvres qui portent en elles des thèmes qui lui sont chers, comme l’identité, la transformation et la différence, qu’il va continuer à explorer dans son cinéma lors de son passage au long métrage. C’est en 2016 qu’il se lance dans le développement de son premier long au sein de la Résidence de la Cinéfondation. Sorti en 2018, Girl (voir la fiche du 25 octobre 2018) suit le parcours d’une adolescente, née dans le corps d’un garçon, qui rêve de devenir danseuse étoile. Le film obtient la Caméra d’or et le prix d’interprétation Un Certain Regard au Festival de Cannes, ainsi que la Queer Palm et le prix FIPRESCI. Son second film, Close est sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 2022 et remporte le Grand Prix.
Interprètes : Eden Dambrine (Léo), Gustav De Waele (Rémi), Léa Drucker (Nathalie), Emilie Dequenne (Sophie).
Résumé : Léo et Rémi ont 13 ans et sont amis depuis toujours. Le regard des autres avec leurs préjugés va les séparer et changer leur vie.
Analyse : Un film d’une délicatesse et d’une douceur infinies, filmé à hauteur d’enfant par un réalisateur qui pour son second film creuse encore les désirs, l’insouciance, les affres de l’enfance quand elle est à la charnière de l’adolescence. Il met en scène ici deux adolescents de 13 ans, Léo et Rémi, qui vivent une belle relation fusionnelle comme il peut en exister chez les adolescents. Ils ne se quittent pas, partagent les mêmes loisirs, les mêmes jeux, souvent le même lit, bref, ils sont inséparables, avec une tendresse qui aux yeux d’un adulte pourrait paraître ambigüe, mais pas aux leurs dans l’innocence de leur âge. « C’est l’âge où les adolescents peuvent être fusionnels sans qu’il soit pour autant question de sexualité » nous dit l’auteur. Et précisément, lorsqu’à l’école, lieu du savoir mais aussi de tous les préjugés et cruautés dont peuvent être capables les enfants, la réflexion d’une élève les renvoie au modèle de masculinité que la société attend d’eux, c’est la fêlure qui conduira au drame. Rémi ne comprend pas l’attitude soudaine distante de Léo qui de son côté, voulant affirmer son identité, tente de se rapprocher des éléments les plus « virils » de la classe, notamment ceux qui font du hockey sur glace. Les non-dits, les rejets, remplacent désormais les rires et les joies partagées. Avec grâce et pudeur, dans une mise en scène sobre, fluide et élégante, le réalisateur aborde le moment charnière où l’enfant bascule vers l’adolescence en abandonnant les jeux d’enfant et en perdant une partie de son innocence. Il sonde aussi le sentiment de responsabilité ou de culpabilité qu’il semble avoir éprouvé lui-même dans son enfance. Léo est rongé par la honte et la culpabilité. Le réalisateur a l’habileté d’éviter le sentimentalisme, les clichés sur l’enfance, la lourdeur sur les sentiments éprouvés par Léo. Les non-dits, les cadrages sur les regards et les visages, mettent davantage en valeur le langage corporel cher au réalisateur qui a rêvé d’être danseur avant que d’être cinéaste. Un casting d’une grande qualité, une belle écriture, une formidable lumière du directeur de la photo Frank Van den Eeden sur la nature de cette fin d’été, confirment le talent de Lukas Dhont qui nous offre un magnifique film, très attachant, qui a largement mérité son Grand prix à Cannes, prix prestigieux, juste après la Palme d’Or.