Autrice : Marie Perennès est commissaire d’exposition à la Fondation Cartier. Riposte féministe est son premier film.
Auteur : Simon Depardon (fils de Raymond Depardon et Claudine Nougaret) est un réalisateur, cadreur, directeur de la photographie Français. Il réalise en 2019 avec Arthur Verret et Baptiste Drouillac Retiens la nuit, un documentaire sur la mort de Johnny Halliday. Riposte féministe a été présenté à Cannes 2022 en séance spéciale.
Résumé : De Compiègne à Montpellier, de Saint-Etienne au Havre, de Montbrison à Paris, les auteur.e.s ont suivi les groupes de colleuses de slogans féministes contre les féminicides et le patriarcat.
Analyse : Elles se réunissent la nuit, en groupe de 4 ou 5, et parcourent les rues, avec sceaux de colle, brosses et paquets de feuilles A4 blanches sur lesquelles sont tracées des lettres de l’alphabet en noir, qu’elles assemblent pour former leurs slogans. En investissant les murs de la ville elles s’approprient les rues pour dénoncer encore et encore les violences sexistes, les féminicides et le patriarcat. Elles ont le courage chevillé au corps, mais le courage n’est-il pas chez la plupart des femmes une vertu ordinaire ? Elles affrontent vaillamment l’hostilité des hommes mais ne lâchent rien, prenant des risques insensés pour coller leurs slogans le plus haut possible loin des prédateurs. Elles sont jeunes, fortes, fières, conquérantes, joyeuses, mais surtout en colère. Certaines ont vécu dans leur chair les effets nocifs du patriarcat. Elles se revendiquent féministes, avec des discours très nuancés. Certaines sont plus radicales que d’autres mais leur cause est universelle et urgente. En montrant l’engagement de ces militantes de l’ombre le documentaire a le mérite de mettre l’accent sur un drame aux statistiques terrifiantes : en 2020 , 104 femmes tuées par leur compagnon ou ex, en 2021 114, en 2022 à la mi-novembre elles sont déjà 99, 99 de trop.
Marie Perennès justifie le titre de leur documentaire qui vient d’un slogan : « Violence sexiste, riposte féministe ». « C’est une réponse proportionnée à une violence subie qui, elle, est disproportionnée. La colère engendre la radicalité mais elle naît d’une injustice … qu’est-ce qu’il y a de plus violent que le meurtre d’une femme juste parce que c’est une femme ? » Gardiennes de la dignité des femmes, vestales qui entretiennent la flamme de l’indignation, de la parole osée, vigilantes pour que la honte change de camp (« Même mon chien comprend quand je lui dis non ») ; elles sont la conscience qui interpelle celles et ceux qui voudraient oublier ou pire, ne pas voir. Et lorsque on lit un slogan tel que « Crime passionnel = féminicide » on songe à l’indulgence traditionnelle des tribunaux à l’égard des crimes dits passionnels, comme si l’amour et la blessure d’amour propre étaient un droit de tuer. Un slogan en guise de devise : « Le sexisme est partout, nous aussi. »