Autrice : Carla Simón , née en 1986 est une réalisatrice et scénariste espagnole. Après des études à l’Université de Californie à Santa Barbara, puis à l’Université autonome de Barcelone, elle intègre la London Film School. Depuis 2009 elle est l’autrice de 9 courts métrages et d’une série télévisée. Son premier long métrage, Été 93 (2017) a obtenu de nombreux prix dont, notamment, le Prix du meilleur premier film notamment, le Prix du meilleur à la Berlinale,le prix du jury de la section Generation Kplus à Berlin et le Biznaga d’or du meilleur film au Festival du cinéma espagnol de Malaga. Son second long métrage, Nos soleils a obtenu l’Ours d’or à la Berlinale 2022. Résumé : Dans un petit village de Catalogne, à Alcarràs (titre original du film), une famille qui cultive des pêches depuis des générations se voit soudain notifier l’obligation de quitter les terres qu’elle exploite car le propriétaire du terrain a de nouveaux projets. La grande famille, habituellement si unie, se déchire au risque de perdre tout ce qui faisait sa force…
Analyse : Cinq ans après avoir été couronnée à Berlin en 2017 Carla Simòn remporte l’Ours d’or avec un film ensoleillé et tragique sur un monde finissant, débordant de nostalgie. Deux heures durant, la cinéaste filme les derniers sursauts de ce monde, le dernier été des Solé qui font leur dernière récolte de fruits comme si rien n’allait changer alors que les bruits des pelleteuses se font déjà entendre. Un film sur les bonheurs du quotidien, les jeux des enfants, leurs pépiements, l’accomplissement du labeur quotidien des champs sous le soleil écrasant dans la sueur et la souffrance, les bavardages pleins de rires et de bonne humeur, la joie des repas partagés. Un choix astucieux de s’attarder sur les « dernières fois » d’un monde appelé à disparaitre, le plus souvent à travers les yeux des enfants, plutôt que sur la catastrophe annoncée. Une catastrophe filmée de loin, comme pour conjurer cet inéluctable. Sous cette distanciation la cinéaste aborde à travers l’histoire intime d’une famille des questions politiques et sociales. La confrontation de deux mondes. Le monde ancien, où la parole donnée vaut tous les accords écrits, où la solidarité, l’entraide, étaient des valeurs premières d’une société de labeur faite de joies simples, où l’argent n’était pas le maître mot, même si parfois il manquait cruellement. Le grand-père qui avait caché le propriétaire terrien pendant la guerre, avait passé un accord verbal avec celui-ci qui en guise de reconnaissance lui cédait une partie de ses terres. Il pensait sa famille à l’abri, lui transmettant un patrimoine qu’il croyait être sien. Mais le fils du propriétaire veut rentabiliser ces terres qu’il considère à lui, raser les arbres fruitiers pour y implanter des panneaux solaires, beaucoup plus rentables, quitte à mettre toute une famille à la rue. Le film s’attarde sur ceux qui résistent et ceux qui acceptent d’aller travailler pour les panneaux solaires, ce qui crée de graves dissensions entre les membres de cette famille autrefois si soudée. La cinéaste aborde également le problème récurrent des producteurs à l’égard des grandes surfaces qui exploitent leur travail. Dans une belle et sobre mise en scène, une bonne direction d’acteurs dont la plupart sont des non professionnels choisis dans divers villages, la cinéaste réalise un très beau film naturaliste, émouvant, délicat, qui rend hommage à sa famille qui a peuplé cette région de la Catalogne.