Auteur : né en 1953, Nanni Moretti est un réalisateur, acteur, producteur italien. Fils d’enseignants, il est, adolescent, passionné de cinéma et décide, sa scolarité achevée, de devenir réalisateur. Il tourne en 1973 ses deux premiers courts métrages, et en 1976 son premier long métrage, Je suis un autarcique, très remarqué en Italie. Sa filmographie, avec 16 longs métrages et 10 courts, est en grande partie autobiographique. Il signe en 1978 Ecce bombo présenté en Sélection officielle au Festival de Cannes, dont il deviendra un habitué. Il obtient avec Sogni d’oro le Grand Prix du jury à Venise en 1981. Suivent Bianca (1983), La messe est finie (1986), et Palombella rossa (1989). Journal intime obtient le prix de la mise en scène à Cannes en 1994 et La Chambre du fils la Palme d’or en 2001. En 2011, retour à Cannes avec Habemus papam et en 2015 Mia Madre, prix du jury œcuménique à Cannes. Après avoir mis en scène le documentaire Santiago, Italia (2018), le cinéaste est revenu sur la croisette en 2021 avec Tre piani et en 2023 avec Vers un avenir radieux (Il sol dell’avvenire).
Interprètes : Nanni Moretti (Giovanni) ; Margherita Buy (Paola, sa femme) ; Silvio Orlando (Ennio de la cellule du PCI) ; Barbara Bobulova (Vera, l’actrice) ; Mathieu Amalric (Pierre, le producteur français).
Résumé : Un célèbre cinéaste italien n’arrive pas à tourner son film car il doit faire face à de nombreux problèmes dans son quotidien, avec son couple qui bat de l’aile et sa fille qui le néglige.
Analyse : C’est du Nanni Moretti pur jus. Une autofiction à peine camouflée, pleine d’une sympathique autodérision. Moretti y incarne un cinéaste italien renommé, Giovanni (son propre prénom à l’état civil). Un cinéaste qui rassemble tout ce qui a fait la personnalité du réalisateur au cours de sa filmographie et qu’il étale avec ironie et humour. Giovanni est stressé, égocentrique, en colère, grincheux, de gauche. Le thème de son film porte sur la réception par la cellule du parti communiste italien Antonio-Gramsci, d’un cirque hongrois. Nous sommes en 1956 et pendant le séjour italien de cette troupe l’URSS réprime dans le sang l’insurrection hongroise. Télescopage involontaire avec une actualité brulante ! L’occasion pour Moretti de poser un regard désabusé mais plein de drôlerie sur une jeunesse italienne dépolitisée qui ne sait même pas qu’il y avait des communistes italiens (« Ah bon ? Il y a eu des communistes en Italie ? », s’entend-il répondre) ! L’occasion aussi de rappeler les heures de gloire d’un parti communiste italien qui seul en Europe s’est détaché de la tutelle de Moscou, dans une Italie qui semble avoir oublié aujourd’hui son passé de gauche. Giovanni doit faire face à toute une série de problèmes. Entre sa femme qui veut le quitter après 40 ans de vie commune, son producteur français au bord de la faillite, sa fille qui veut épouser un septuagénaire, son acteur qui ne comprend pas le scénario, son actrice qui improvise, tout semble se liguer contre lui ! Cerise sur le gâteau, sa femme qui jusque-là n’avait produit que ses films, produit le film d’un jeune cinéaste réalisant un film ultra-violent. Giovanni ne peut s’empêcher d’intervenir sur le tournage de ce film et de prodiguer des conseils à ce jeune cinéaste adepte de la violence. Scènes drôles lorsqu’il appelle Renzo Piano et Martin Scorsese lui-même pour des conseils sur une scène de violence. L’occasion de nous dire qu’il ne comprend plus les méthodes de ses collègues contemporains. Il enfonce le clou dans une des scènes les plus drôles du film. Après la faillite de son producteur français l’idée d’avoir alors recours à Netflix lui est suggérée. Il rencontre les représentants de la firme qui tels des automates répètent à chaque phrase que la firme est présente dans 190 pays, tout en s’étonnant de l’absence de « what the fuck ? » dans le scénario ! Moretti a vieilli, comme nous, ses admirateurs et admiratrices de la première heure. Il jette un regard nostalgique vers le passé car il ne comprend plus le monde qui l’entoure. Mais il a toujours cet œil plein de malice, cet humour ironique très italien, cet espoir dans le cinéma, celui des salles obscures, auquel il rend un merveilleux hommage, convoquant tous ceux qu’il admire, en particulier Fellini, Woody Allen ou Scorsese, un cinéma qui permet de faire défiler des éléphants dans les rues de Rome. Quelle autre magie le permettrait ? Rappelant également des scènes de ses propres films comme cette virée la nuit dans les rues de Rome non plus à scooter comme dans Journal intime, mais en trottinette électrique, ou ses prestations au football ou en piscine, sorte de condensé de ses films précédents. Il reste plein d’espoir tout de même ; en témoignent ces scènes finales du film où il rend un hommage à la chanson italienne, dont les morceaux sont chantés en cœur dans une joyeuse sarabande avec toute l’équipe du film, qui nous entraine vers un avenir radieux !
Un dernier mot sur le titre du film. Il sol dell’avvenire est une expression extraite de ‘Fischia il vento’ (Souffle le vent), qui est un chant partisan italien aussi célèbre que ‘Bella Ciao’. Comme me l’a précisé un ami italien (voir son commentaire sous Festival de Cannes 24 mai 2023), ce vers figurait déjà dans des chants socialistes ou anarchistes de la fin du 19e.
Ciao carissima, non seulement j’ai adoré ce film de Moretti, lequel me tape parfois sur les nerfs, mais j’ai à la fois ti et pleuré, et même un peu rêvé.