Autrice : Marie Amachoukeli, née en 1979, est une scénariste, réalisatrice française. Elle a suivi sa formation à La Fémis. Elle a écrit et réalié Forbach, Grand Prix de Clermont-Ferrand, C’est gratuit pour les filles, César du meilleur court métrage et sélectionné en compétition à la 48e Semaine de la Critique, Démolition party avec Claire Burger. En 2014, elle passe au long métrage avec le film Party Girl en collaboration avec Samuel Theis et Claire Burger. Ce film obtient la Caméra d’Or au Festival de Cannes et de nombreux prix à l’international. En 2016 elle finalise I want Pluto to be a planet again, un film d’animation réalisé avec Vladimir Mavounia Kouka, nommé aux Césars 2018. En 2020, elle écrit pour Franco Lolli, Une Mère incroyable (Litigante), film qui fait l’ouverture de la Semaine de la Critique à Cannes 2019. Àma Gloria a fait l’ouverture de la Semaine de la critique à Cannes cette année.
Interprètes : Louise Mauroy-Panzani (Cléo) ; Ilça Moreno Zego (Gloria) ; Arnaud Rebotini (le père).
Résumé : Bouleversée par le départ précipité de sa nounou au Cap-Vert, d’où elle est originaire, une fillette s’y rend pour passer un dernier été avec elle.
Analyse : Ce film est un petit bijou de tendresse, d’humanité, de simplicité, de douceur, d’amour. Un film qui nous ramène à un cinéma délicat et pudique qui nous change des grosses productions tonitruantes sorties cet été (Je vous ai donné mon sentiment sur Oppenheimer mais Barbie ne vaut guère mieux. On pourrait sous titrer ce dernier Leçon de féminisme pour les nuls et nulles. Et, au cas où on n’aurait pas compris, la réalisatrice Greta Gerwig utilise l’artillerie lourde dans une débauche de rose bonbon, la couleur la plus mièvre qui soit et que l’on réserve, comme par hasard, aux filles ; tout en imaginant le premier geste d’une Barbie arrivée dans le monde réel : une visite chez la gynécologue ! tota mulier in utero ? Oui bien sûr on a compris ; les poupées n’ont pas de sexe – même si elles sont très genrées – et donc etc… mais il y avait plus intelligent à faire : une inscription dans une université par exemple !). Nous sommes heureusement bien loin de ce monde avec Cléo, petit bout de chou de 6 ans, d’une infinie tristesse de voir partir dans son pays d’origine la nounou qui l’a élevée, elle qui n’a pas connu de mère. La réalisatrice, s’inspirant de sa propre histoire, a filmé ce drame intime à hauteur d’enfant en captant avec infiniment de délicatesse et de retenue le déchirement de cette enfant qui doit faire le deuil de sa nounou après celui de sa mère, enfant incarnée avec un naturel époustouflant par la petite Louise Mauroy-Panzani. Elle a eu par ailleurs l‘habileté de recourir à des séquences d’animation pour éviter de raconter l’indicible et de tomber dans le mélodrame. Une mise en scène douce, retenue, intelligente, qui ne tombe jamais dans le pathos ou le misérabilisme. Il y a pourtant une dimension politique dans ce film. La situation de ces femmes obligées de s’exiler pour aller garder et élever les gosses des riches tandis que leurs propres enfants sont aux mains d’une grand-mère ou d’une parente. C’est d’ailleurs la mort de sa mère qui va obliger Gloria à repartir au Cap Vert où elle va trouver une grande fille qui s’apprète à la faire devenir grand-mère et un jeune adolescent qui la rejette. Avec de gros plans sur le visage poupin de Cléo ou sur celui, magnifique, de Gloria, l’utilisation d’une focale particulière, « une Leica 50 » qui, nous dit la réalisatrice, « crée une image à la fois très définie et très précise, tout en offrant une certaine douceur », elle nous donne un récit d’apprentissage doux, profond, qui émeut aux larmes.