Autrice : Iris Kaltenbäck, née en 1988 est une réalisatrice et scénariste française. D’une mère française, d’un père autrichien et d’un demi-frère américain, elle a grandi en France. Après ses études en droit et en philosophie, elle intègre la Fémis dans le département scénario. En 2013, elle assiste Declan Donnellan au Théâtre des Gémeaux à Paris. En 2015 elle réalise son premier court-métrage, Le vol des cigognes, primé au Festival International de Bruxelles. Elle obtient le prix Sopadin Junior pour son scénario intitulé Still shot. Le Ravissement est son premier long-métrage qui a été sélectionné en compétition officielle à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2023.
Interprètes : Hafsia Herzi (Lydia) ; Alexis Manenti (Milos) ; Nina Meurisse (Salomé, l’amie).
Résumé : Lydia est une sage-femme très impliquée dans son métier. On sent qu’elle aime beaucoup les bébés et particulièrement celui de sa meilleure amie qui vient d’accoucher. Elle fait la connaissance d’un homme auquel elle s’attache mais sans retour. Pourquoi à un moment la vie de Lydia déraille-t-elle ?
Analyse : Un premier film très prometteur. Iris Kaltenbäck s’est inspirée d’un fait divers pour cette histoire riche de thèmes évoqués. Lydia est une sage-femme ; pour nous familiariser avec son héroïne la réalisatrice nous plonge de manière quasiment documentaire dans son métier. Elle est attentive, douce, déterminée, pleine d’empathie pour les parturientes et pour les bébés qu’elle semble affectionner particulièrement. Puis la réalisatrice la situe dans sa vie personnelle. Elle vient de quitter son ami infidèle et elle a une seule famille, son amie Salomé, dont elle est particulièrement proche et qui lui annonce, le même jour, attendre un enfant. Très vite on comprend que Lydia est en mal d’amour et vit dans une grande solitude. Tellement grande qu’elle ne veut pas rentrer chez elle après le travail et qu’elle ère dans Paris toute la nuit jusqu’au moment où elle s’endort dans un bus et est réveillée par le conducteur, Milos, avec lequel elle aura une liaison d’une nuit. Dès le début le film utilise une voix off, celle de Milos qui raconte l’histoire de Lydia à laquelle il a été mêlé, et très tôt il parle de procès. On comprend que quelque chose de grave s’est passé dans la vie de Lydia. Le titre du film nous interpelle. Le mot ravissement désigne aussi bien l’extase et le fait d’être ravi à soi-même que le rapt. Un film sur la solitude, le mal d’amour qui pousse Lydia dans une spirale de mensonges tant elle souhaite recevoir, en tant que mère, l’attention et l’amour qu’elle n’a jamais eus. Sa situation est sur le fil du rasoir. La mise en scène discrète et habile de la réalisatrice nous laisse toujours sur la question : comment va-t-elle s’en sortir ?
Le jeu remarquable et épuré de Hafsia Herzi montre avec subtilité les moments où le mensonge l’emporte sur la raison. Lydia va tellement loin dans l’engrenage du mensonge qu’elle ne peut plus faire machine arrière. La réalisatrice filme ses personnages avec tant de bienveillance et d’empathie qu’on n’éprouve aucun jugement moral sur Lydia. Elle est plutôt à plaindre tant est fort chez elle le désir d’être aimée et sa peur de l’abandon. Un film bien mené, maîtrisé, délicat, intelligent, très juste dans l’analyse des sentiments qui agitent Lydia et dans ce qui fait la complexité de l’âme humaine. Un film bouleversant qui signe l’acte de naissance d’une grande réalisatrice.