Auteur : João Canijo, né en 1957, est un réalisateur, scénariste et acteur portugais. Il a étudié l’Histoire à l’Université de Porto, et ne s’est initié au cinéma qu’en 1980. Jusqu’en 1985, il a été l’assistant réalisateur d’auteurs comme Manoel de Oliveira, Wim Wenders, Alain Tanner ou Werner Schroeter. En 1988, il réalise son premier long métrage, Três menos eu, qui fut sélectionné pour le Festival de Rotterdam. En 2004, son film Noite Escura (Nuit noire) fut présenté au Festival de Cannes et fut choisi comme candidat portugais à l’Oscar du meilleur film étranger. Mal Viver et Viver mal sont ses douzième et treizième film. Mal Viver a obtenu l’Ours d’argent Prix du jury à la 73ème Berlinale.
Interprètes : Anabela Moreira (Piedade) ; Rita Blanco (Sara) ; Madalena Almeida (Salomé) ; Cléia Almeida (Raquel).
Résumé : Un hôtel de la côte nord du Portugal, tenu par les femmes d’une même famille. L’arrivée inattendue de Salomé, la plus jeune, suite au décès de son père, réveille des rancunes accumulées.
Analyse : Mal Viver et Viver mal, un diptyque du réalisateur portugais Joao Canijo où il est question du mal de vivre. Deux films en miroir, dans les mêmes lieux, où l’on retrouve dans Viver Mal, qu’il vaut mieux voir en second, les principaux personnages de Mal Viver. Nous sommes dans le huit clos d’un hôtel isolé de la côte nord du Portugal. Dans Mal Viver il y a très peu de client et ce sont les relations entre les cinq patronnes de l’hôtel qui sont mis en scène tandis que dans Viver mal c’est le point de vue des clients. Il s’agit dans les deux cas d’un mal de vivre profond. Une unité de lieu et de temps qui exacerbe les relations conflictuelles où cinq femmes d’une même famille se déchirent à belles dents dans une atmosphère lourde de tension et de névrose. Piedade, la fille ainée, complètement dépressive, voit débarquer par surprise sa fille Salomé qui vient de perdre son père et est venue chercher un peu d’affection. Visiblement cette visite ne lui fait aucun plaisir et cela va faire resurgir toutes les rancunes accumulées, les ressentiments de Piedade envers sa propre mère, de celle-ci envers elle, de Salomé envers sa mère, bref on nage dans un conflit familial aigu où tout le monde est en quête d’amour mais où personne n’en reçoit. Le seul amour est celui que porte Piedade à sa chienne Alma qu’elle aime visiblement bien plus que sa propre fille. Une atmosphère où l’on pense à Bergman bien sûr, notamment à Sonate d’automne, mais surtout à la noirceur des pièces de Strinberg. Le réalisateur dit s’être librement inspiré de trois pièces de l’auteur suédois, Jouer avec le feu, Le Pélican, Amour maternel. Deux films de deux heures, d’une grande beauté formelle, que ce soit dans les cadrages, la photographie, l’utilisation des lieux, la lumière ou la mise en scène, avec des dialogues intelligents et tranchants. Mais des heures sans aucun sourire, sans espoir, où l’impossibilité d’avoir été aimé par une mère pèse sur le destin des générations futures qui reproduisent le même modèle. La figure féminine est particulièrement mal menée car les femmes sont soit dépressives, soit sadiques, soit d’une grande cruauté.