Auteur : Babak Jalali, né en 1978, est un réalisateur, scénariste, chef monteur et producteur anglais d’origine iranienne. Il possède un master en sciences politiques de l’Université de Londres et un diplôme en cinéma de la London Film School. Il réalise quatre courts métrages et participe à la résidence de la Cinéfondation du Festival de Cannes où il développe son premier long métrage Frontier Blues (2009). Après Land (2018) il réalise Fremont qui a été récompensé par le prix du Jury au Festival de Deauville 2023.
Interprètes : Anaita Wali Zada (Donya) ; Hilda Schmelling (Joanna) ; Avis See-tho (Fan) ; Jeremy Allen White (Daniel).
Résumé : Donya, est une jeune réfugiée afghane de 20 ans qui travaille à Fremont, près de San Francisco, pour une fabrique de « fortune cookies », ces biscuits servis dans les restaurants chinois emballés avec des petits messages predictifs. Ancienne traductrice pour l’armée américaine en Afghanistan, elle a du mal à dormir et se sent seule. Sa routine est bouleversée lorsque son patron lui confie la rédaction des messages.
Analyse : Dans un noir et blanc élégant et sophistiqué, filmé en 4/3, Babak Jalali nous fait le récit dépouillé de la vie d’une réfugiée afghane qui tente de refaire sa vie en Amérique. Un récit très distancié, avec un humour qui fait sourire et qui n’est pas sans faire penser au cinéma de Kaurismäki. On est comme chez ce dernier dans un milieu défavorisé, multi ethnique où les êtres se côtoient, s’aident, s’apostrophent sans qu’aucune intimité ne vienne soulager leur grande solitude. Donya a une seule amie, une collègue de travail, qui essaye de lui trouver une âme sœur. On les voit toutes deux dans leur milieu professionnel qui n’a pas l’air de leur peser, avec un patron chinois plein de bienveillance et d’empathie. Elle réussit, par un tour de passe-passe à obtenir un rendez-vous chez un psychiatre car elle ne dort pas, sans doute taraudée par la culpabilité d’avoir laissé ses proches aux mains des talibans. Un psychiatre que n’aurait pas renié le réalisateur finlandais, iconoclaste, passionné par Croc-Blanc de Jacques London dans lequel il voit une métaphore de la vie de Donya, semble avoir bien plus besoin qu’elle d’une analyse. Certes Donya (interprétée par une superbe débutante, journaliste dans la vraie vie, Anaita Wali Zada) ne dors pas, souffre de solitude, mais semble détachée de tout, sans aucune attitude victimaire, avec au contraire force et volonté. Une mise en scène très épurée qui prend le temps de voir vivre son héroïne, des cadrages rigoureux, des gros plans qui nous mènent au cœur de sa solitude, des scènes qui diffusent une drôlerie de l’absurde, créent une douce atmosphère pleine de charme et de mélancolie poétique.