Autrice : Estibaliz Urresola Solaguren est née le 4 mai 1984 en Espagne. Elle est réalisatrice et scénariste. Elle a réalisé son premier court métrage en 2013 Adri, puis, Polvo somos (2021) et Cuerdas (2022). 20 000 espèces d’abeilles est son premier long métrage qui a obtenu l’Ours d’Argent de la meilleure interprétation pour Sofia Otero à la Berlinale 2023 et trois récompenses aux Goyas 2024, Prix du meilleur nouveau réalisateur, Prix du meilleur scénario original. Le trophée du meilleur second rôle a été attribué à Ane Gabarain.
Interprètes : Sofia Otero (Lucía) ; Patricia Lopez Arnaiz (Ane, la mère) ; Ane Gabarain (Lourdes, la tante) ; Itziar Lazkano (Lita, la grand-mère).
Résumé : L’été, au Pays basque. Une fillette dans la peau d’un garçon, en quête d’identité, tente de trouver des réponses à ses questions.
Analyse : Sur un sujet souvent traité, la réalisatrice Estibaliz Urresola Solaguren construit un film délicat, tout en nuances et en douceur. Elle parvient à faire une œuvre très personnelle, d’une belle sensibilité, que l’on ne peut que saluer s’agissant surtout d’un premier film, dans la lignée de Carla Simon, Nos soleils (voir la fiche du 5 février 2023). Nous ne sommes pas en effet dans le Tomboy de Sciamma, ni dans Petite fille de Sébastien Lifshitz, ni dans la violence de Girl de Lucas Dhont (voir la fiche du 25 octobre 2018). Cet enfant de 8 ans que l’on voit au début du film semble être une petite fille au beau visage, aux cheveux longs, à la mine boudeuse et au regard triste. Quand on la voit faire pipi debout près d’un arbre on comprend enfin que c’est un petit garçon, à l’évidence mal dans sa peau. Il/elle ne veut pas qu’on l’appelle par son nom, Aitor, ni par son surnom d’ailleurs, Coco, et la souffrance d’une enfant qui ne trouve pas sa place est poignante. La famille est partie passer des vacances dans son pays d’origine, le pays basque espagnol, sans le père qui au dernier moment a décidé de ne pas venir. C’est dans un univers familial composé exclusivement de femmes que vont se dérouler ces vacances. La mère, attentive mais un peu dépassée par ses propres problèmes, semble ne pas très bien comprendre ce qui arrive à son fils. Ni la grand-mère d’ailleurs. La petite trouvera refuge et compréhension auprès d’une tante, généreuse et aimante, éleveuse d’abeilles, qui lui enseigne la vie de ces insectes sous l’autorité d’une reine. Elles donnent du miel mais servent aussi à soigner avec leur venin, à prévoir le temps, à servir de confidentes, ce qui indique, aux yeux de la petite fille, que rien n’est déterminé d’avance. Filmé à hauteur d’enfant, avec une mise en scène épurée, d’une infinie délicatesse, ce long métrage solaire, pudique, sur un sujet pourtant douloureux traite certes de la transidentité mais également des rapports familiaux et des réticences, dans certaines cultures, à accepter une telle différence. La petite fille choisira finalement son prénom, LucÍa, qui seul figure au générique.
Il faut saluer l’extraordinaire talent de Sofia Otero, 9 ans, qui a bien mérité son prix d’interprétation. On peut regretter toutefois que le film ne bénéficie pas d’un montage plus resserré qui aurait rendu le propos encore plus percutant.