Auteur : Gilles Perret, né en 1968, est un réalisateur français. Depuis 1999, il consacre sa caméra à la Haute-Savoie. Préoccupé par les questions sociales, sa production devient davantage tournée vers ces problématiques à partir de 2003. Il réalise le film Walter, retour en résistance sur la vie et les convictions de Walter Bassan, qui est à l’origine du premier rassemblement le 4 mai 2007 sur le plateau des Glières en opposition à la venue de Nicolas Sarkozy. Il est l’un des fondateurs de l’association Citoyens résistants d’hier et d’aujourd’hui, née des rassemblements citoyens au plateau des Glières de 2007 et de 2008. Son film Les jours heureux (2013), faire revivre l’esprit du Programme du Conseil national de la Résistance. Dans La Sociale (2016), il rend hommage au fondateur de la Sécurité Sociale, Ambroise Croizat et aux débuts de la Sécurité sociale en France. L’insoumis (2017) est un film sur la campagne électorale de Jean-Luc Mélenchon qu’il a suivi, caméra à l’épaule. En 2021, il réalise un documentaire avec François Ruffin, Debout les femmesqui met en évidence la précarité de certains petits métiers exercés essentiellement par des femmes. En 2022 il réalise un premier film de fiction, Reprise en main, où il met en scène un ouvrier ans une usine de décolletage de Haute-Savoie, qui avec ses amis d’enfance va tenter d’entraver un énième rachat de son usine, en créant leur propre fonds d’investissement.
Résumé : Documentaire sur une ferme laitière familiale de Haute-Savoie où les exploitants s’apprêtent à prendre bientôt leur retraite et, à leur tour, passer la main.
Analyse : Magnifique documentaire sur 50 ans de la vie d’une ferme en Haute Savoie. Déjà en 1972 Marcel Trillat avait fait un reportage pour la télévision française sur l’exploitation laitière de ces trois frères, Joseph, André et Jean, qui ont eu tout à construire. Les premières images, en noir et blanc, les montrent cassant des cailloux pour construire leurs bâtiments. Gilles Perret a grandi à 100 mètres de cette ferme et a réalisé vingt cinq ans plus tard, en 1997, un documentaire sur ces paysans, Trois frères pour une vie, au moment où ils s’apprêtent à transmettre la ferme à leur neveu Patrick et sa femme Hélène. En 2023 il reprend sa caméra au moment où Hélène, veuve, va transmettre l’exploitation à son fils, Marc, et son gendre. Alex. Le film entremêle les trois documentaires à des moments clés de la vie d’une ferme. L’évolution est tangible. Tandis que les trois frères font tout de leur main avec une attention touchante à la propreté de la nature et à sa préservation, la jeune génération, sous l’impulsion d’Hélène, a tout mécanisé avec d’impressionnantes machines, que ce soit la fauche et le ramassage de l’herbe ou la traite des vaches. Ils ne font quasiment plus rien de leurs mains, sans que pour autant le respect de l’environnement ou l’éthique du travail bien fait soit sacrifié. Cela leur permet d’avoir une vie de famille, des vacances, un dimanche sur deux. Une vie plus agréable que celle des trois frères dont on voit les corps fatigués et tordus par le labeur. Certes ils sont heureux du travail et de l’œuvre accompli.e.s. Mais André, le dernier survivant, fait un constat amer et émouvant « une réussite économique, mais un échec humain ». Ils sont restés tous trois célibataires, ne se sont jamais versé de salaire et n’ont jamais quitté la ferme, ce qui ne sera plus le cas des jeunes.
Ce documentaire passionnant tombe, par hasard, à un moment opportun dans l’actualité. Il nous aide à découvrir le monde paysan que l’on ne connait pas toujours et des parcours de vie bouleversants qui méritent l’attention que leur a portée Gilles Perret.